Wang Qishan, samedi 17 mars à Pékin. / Mark Schiefelbein / AP

L’élection samedi 17 mars par les députés de l’Assemblée nationale populaire (ANP), le Parlement chinois, au poste de vice-président du pays, de Wang Qishan, l’ex-tsar anticorruption du premier mandat de Xi Jinping, confirme le rôle primordial que le plus proche allié du numéro un chinois va continuer à jouer à ses côtés.

Xi Jinping, qui a été reconfirmé à l’unanimité absolue à la présidence, samedi, devrait charger le nouveau vice-président de délicates missions dans son domaine d’expertise, les discussions économiques avec les Etats-Unis, alors que Washington s’apprête à entrer en guerre commerciale avec Pékin. Le numéro un chinois garde aussi à ses côtés l’homme qui connaît tous les dossiers du monde politique chinois, puisqu’il aura fait tomber en cinq ans 250 « tigres », des cadres de haut rang, et puni plus de deux millions d’officiels subalternes. Cette purge, d’une brutalité inouïe, fit office d’arme de destruction massive dans la spectaculaire conquête du pouvoir par Xi Jinping et ses hommes.

La complicité entre l’actuel président chinois et Wang Qishan est née dans les montagnes de lœss de la province du Shaanxi, où les deux « jeunes instruits » vivent à la dure, à 50 km l’un de l’autre, dans le chaos de la Révolution culturelle lancée par Mao. Ils s’échangent des livres interdits, devisent peut-être des difficultés du pays. Wang Qishan rejoindra ensuite la noblesse rouge, à laquelle appartient Xi Jinping, en épousant la fille d’un vice-premier ministre, Yao Yilin. Il continuera à voir son cadet qui, alors cadre de province dans les années 1980, vient écouter ses conseils de disciple de l’économie de marché naissante.

« Capitaine des pompiers »

M. Wang fera d’abord ses armes comme président de la première banque d’Etat introduite en Bourse à la fin des années 1990. Il gère ensuite la faillite d’un grand groupe public d’investissement. Surnommé le « capitaine des pompiers », on l’envoie en 2003 sur le front de l’épidémie du SRAS, la pneumonie atypique, comme maire de Pékin. Et préparer les Jeux olympiques. Il est vice-premier ministre quand la crise financière de 2008 frappe l’Amérique, un moment qu’il ne cessera, auprès de plusieurs interlocuteurs étrangers, de présenter comme une chance stratégique pour la Chine et son « socialisme aux couleurs chinoises ». Wang Qishan est connu pour sa passion de l’Histoire pour ce qu’elle apporte d’enseignements politiques.

Le poste de vice-président est surtout cérémonial, mais tout indique qu’avec M. Wang, qui jouit d’une forte popularité en raison de son ardeur à pourchasser les grands corrompus du régime, il prendra une autre dimension, marginalisant un peu plus dans un rôle de simple administrateur le premier ministre Li Keqiang, pourtant numéro deux du régime selon le rang protocolaire. « Le pouvoir actuel en Chine, ce n’est pas tant celui d’un seul homme, mais d’une petite équipe », analyse un diplomate européen. Dans ce clan resserré, il y a donc le loyal Wang Qishan, mais aussi Li Zhanshu, nouveau président du Parlement, ou encore l’idéologue Wang Huning, qui a théorisé le « rêve chinois » de prospérité et de puissance promis par M. Xi à son peuple.

Comme M. Xi, Wang Qishan, âgé de 69 ans, pourra en théorie occuper sans limite ce poste, qui, jusqu’à présent, avait été réservé sous le second mandat des chefs d’Etat à leur successeur désigné – un usage avec lequel les deux alliés rompent aujourd’hui. Des amendements à la Constitution votés la semaine dernière ont supprimé la restriction à deux mandats aux postes de président et de vice-président.

Trophée de chasse

Son rang élevé le protégera de toutes représailles d’ennemis putatifs, même si M. Wang n’est plus ni au bureau politique du PCC, ni à son comité permanent, le collectif suprême de direction du parti à sept sièges, depuis le 19e congrès d’octobre 2017, du fait de son âge : la règle, tacite, interdisait d’y rester au-delà de 68 ans.

Les observateurs avaient pu anticiper la promotion de Wang Qishan en regardant la télévision officielle chinoise. Lors des sessions parlementaires au palais de l’Assemblée du peuple, les caméras n’ont cessé de le montrer assis à la même rangée que les sept membres du comité permanent – à la… huitième place.

Sa possible prorogation au sein du comité permanent avait suscité moult spéculations dans les mois précédant le 19e congrès. A l’époque, Wang Qishan faisait l’objet d’une virulente campagne de dénonciation de la part d’un milliardaire chinois, Guo Wengui, qui accusait depuis son exil doré à New York des proches du chef de la commission disciplinaire du parti d’être les principaux actionnaires d’un puissant conglomérat multipliant les investissements à l’étranger, HNA.

Le redoutable tsar anticorruption s’était absenté de la vie publique, comme il l’a fait à plusieurs reprises ces dernières années. Toujours pour réapparaître avec un trophée de chasse spectaculaire, cette fois les têtes de Sun Zhengcai, l’un des deux successeurs potentiels de Xi Jinping, purgé l’été 2017 pour « grave violation de la discipline » (synonyme de corruption) comme tant d’autres avant lui, puis de deux hauts généraux, dont l’un se suicida.