GIANPAOLO PAGNI

A l’occasion d’une élection sans suspense, que Vladimir Poutine est pratiquement sûr de remporter, Le Monde dresse un portrait du président russe à travers quatre villes qui l’ont façonné. De Dresde, où il fut officier du KGB, à Saint-Pétersbourg, sa ville natale, en passant par Moscou, le siège du pouvoir, et par la station balnéaire de Sotchi, retour sur le parcours du chef d’Etat à la tête du plus grand pays du monde depuis dix-huit ans.

Vladimir Poutine officie comme agent du renseignement à Dresde de 1985 à 1990, sous le pseudonyme de « l’officier Platov », en référence à un général russe qui commanda les troupes cosaques contre Napoléon. Son travail consiste à recueillir des renseignements sur les hommes politiques et « les ennemis potentiels ».

C’est dans cette région de la Saxe allemande que l’officier met en pratique la formation reçue dans les années précédentes au KGB. A 32 ans, il y réalise son rêve d’adolescent : se couler dans la peau d’un « agent de communication », infiltrer des réseaux et rendre compte au « Centre », Moscou. En 1989, c’est depuis Dresde qu’il vit la « plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle », la dislocation de l’URSS, dont il a la primeur.

Vladimir Poutine est né à St-Pétersbourg, alors Leningrad, dans une famille modeste – son père travaillait dans une usine ferroviaire –, vivant dans un appartement communautaire.

En 1990, après cinq années à Dresde, il revient à Leningrad avec le grade de lieutenant-colonel du KGB, dans une ville sens dessus dessous. D’interminables files d’attente se forment devant les magasins, les étalages restent vides, les tickets de rationnement sont la norme. Poutine comprend que son monde s’est effondré. A 38 ans, il rejoint l’université dans laquelle il a autrefois étudié le droit en tant qu’adjoint du recteur.

Un ami lui conseille de rejoindre Anatoli Sobtchak, tout juste élu à la tête du Lensoviet, le conseil municipal de Leningrad. Vladimir Poutine devient son assistant et démissionne du KGB en 1991. Cette année-là, Leningrad retrouve son nom de Saint-Pétersbourg et en juin, Sobtchak en devient le premier maire élu. Au sein de la mairie, Vladimir Poutine se forge un réseau qui s’imposera au sommet de l’Etat au tournant des années 2000.

Vladimir Poutine entre au Kremlin comme simple collaborateur, en 1996, de la tentaculaire administration présidentielle instituée par Boris Eltsine. En moins de trois ans, il apprend vite les codes de la capitale et s’impose aux avant-postes de la scène politique. Il est nommé en 1998 directeur du FSB, les services qui ont succédé au KGB. Poursuivant son ascension, Poutine devient premier ministre en 1999, puis est élu à la tête du Kremlin le 23 mars 2000.

« Nous allons remettre de l’ordre », promet-il d’emblée. Il commence par la Tchétchénie, en lançant une intervention militaire après une série d’attentats attribués à des Tchétchènes. Puis il s’attaque aux oligarques et aux médias. Tout se passe sans heurts, ou presque, car, dans le même temps, le niveau de vie de la population s’élève. La verticale du pouvoir, un terme qu’il emploie lui-même en s’adressant à la nation en 2000, devient la marque du poutinisme. Tout part du haut, avec un seul chef et ses fidèles à la manœuvre.

Vladimir Poutine a choisi Sotchi, ville frontalière de l’Abkhazie, pour incarner ses ambitions internationales. Il en fait sa capitale bis, où il reçoit, à plus d’un millier de kilomètres de Moscou, les dirigeants du monde.

La ville accueille les Jeux olympiques d’hiver de 2014, un projet pharaonique dans lequel des milliards de dollars sont engloutis. Autoroutes, ponts, hôtels et stades surgissent de terre en un temps record.

C’est dans cette station balnéaire que se manifestent une partie des tensions internationales autour de la crise ukrainienne, en 2014, lors des Jeux olympiques, puis en 2017-2018, sur la guerre en Syrie : le 22 novembre 2017, l’ancien sanatorium Lénine sert de cadre à la rencontre entre le président russe et ses homologues turc et iranien. En janvier 2018, le Congrès pour la paix en Syrie, organisé dans la ville entièrement pavoisée avec le drapeau du régime de Damas, échoue.