Nice et Marlon, ici le 27 octobre 2017, peuvent encore viser une place en Ligue Europa la saison prochaine. / MARTIN BUREAU / AFP

L’arbitre François Letexier sifflera le coup d’envoi de Nice - Paris-Saint-Germain comptant pour la 30e journée de Ligue 1 à 13 heures, dimanche 18 mars. L’horaire, inédit, n’est ni une punition pour les joueurs ni un moyen d’éviter d’éventuels débordements, entre un club qui vise la cinquième place du championnat et un autre quasi assuré de remporter son septième titre. Quand les joueurs lisent 13 heures, la Ligue de football professionnel (LFP) lit 20 heures : ce sera l’heure au même moment en Chine, où elle tente de promouvoir le championnat de France.

Les grands championnats européens tentent de creuser leur trou sur les marchés asiatiques, et la France a à peine commencé à gratter. L’aura médiatique de la Ligue 1 est, de l’avis du directeur général exécutif de la LFP, Didier Quillot, « insuffisante ».

« Par rapport à d’autres pays européens, le football français est très en retard en matière de développement international. Pour développer la notoriété de notre championnat, la Chine est incontournable », dit-il au Monde. L’opération devrait être répétée plusieurs fois la saison prochaine.

Pour la LFP, mieux vendre les droits télévisés

L’objectif, pour la LFP, est d’augmenter la valeur des droits télévisés à l’étranger, où la Ligue 1 ne vaut pour l’instant que 80 millions d’euros par an – la valeur la plus faible des cinq grands championnats. La Premier League, à l’inverse le plus riche championnat, a été vendue 3,16 milliards d’euros à l’étranger sur la période 2019-2021, soit plus d’un milliard par saison. Davantage que le prix de vente de la Ligue 1 aux diffuseurs français.

Dans ce montant astronomique atteint par les négociateurs de la Premier League, la Chine compte pour plus de 20 %.

On comprend qu’au vu de ces chiffres la LFP soit prête à tenter tous les paris, y compris les matchs juste avant la sieste du dimanche, pour arriver, comme le dit Didier Quillot, à « une meilleure valorisation de nos droits internationaux pour le cycle 2018-2021 ».

L’Asie, et plus particulièrement la Chine, est « le principal marché où l’on peut espérer obtenir un gros contrat. Tout le monde essaie d’avoir sa part du gâteau », estime Jean-Pascal Gayant, spécialiste de l’économie du sport à l’université du Mans. Avancer un match juste après le déjeuner est « devenu un dispositif presque habituel pour les grandes ligues européennes », note-t-il : le clasico Real Madrid-Barcelone en décembre 2017, et plus récemment, le « derby of England » du 10 mars entre Manchester United et Liverpool, ont été dans ce cas.

Les appels du pied du foot français en Asie ont jusqu’ici pris la forme d’une délocalisation du Trophée des champions sur le sol chinois en 2014 (celui de 2018 devrait avoir lieu à Shenzen), de tournées estivales ou d’opérations de communication plus ou moins abouties, comme le flocage de maillots en mandarin pour la Nouvel An chinois et des inscriptions au réseau social Sina Weibo.

Au-delà des droits télévisés, les objectifs sont multiples et partagés par les instances, comme les clubs, énumère Jérémie Bastien, docteur en sciences économiques à l’université de Reims : « Attirer de nouveau supporteurs, de nouveaux consommateurs de produits dérivés et développer de nouveaux partenariats. »

« Le PSG, c’est un peu comme Vuitton »

En Chine, où le développement du football est souhaité par le président, Xi Jinping, le football français, même porté par le très médiatique PSG de l’ère qatarie, souffre d’un solide déficit de notoriété, loin derrière « celles sans commune mesure de la Premier League et de la Liga », relève Jean-Pascal Gayant.

Ce match est censé contribuer à combler ce retard. La date n’a pas été choisie au hasard : les appels d’offres pour renouveler les droits de diffusion français en Asie du Sud-Est doivent être lancés au début du moins d’avril. Le match non plus : « C’est le club français le plus populaire à l’étranger contre un club possédé à 80 % par des fonds chinois », note Jérémie Bastien.

Quatre investisseurs sino-américains du secteur de l’hôtellerie ont déboursé 20 millions d’euros en 2016 pour entrer dans le capital de Nice. Depuis, les Niçois vont au-delà des traditionnelles tournées estivales pour asseoir leur image en Chine : accueil de jeunes footballeurs, partenariats avec des médias locaux et pluie de produits dérivés aux couleurs niçoises (maillots, écharpes mais aussi chambres d’hôtels et housses de couettes « brandées ») en partenariat avec la chaîne d’hôtels des actionnaires.

Neymar à Shanghaï, le 31 juillet 2017. / CHANDAN KHANNA / AFP

Au PSG, on considère tout simplement que « l’avenir du club passe par la Chine », selon le directeur général adjoint, Frédéric Longuépée. Le président, Nasser Al-Khelaïfi, l’a rappelé lors de la récente signature d’un contrat pour la gestion de l’image du PSG en Chine : « Nous avons de grandes et fortes ambitions en Chine, un grand pays et un marché crucial pour le club. »

Pour Didier Quillot, « les Chinois sont friands de marque. Et le PSG d’aujourd’hui, c’est un peu comme Vuitton ». « Le fan de football chinois est peut-être plus ouvert que le fan européen, qui intériorise une hiérarchie européenne très nette, confirme Jean-Pascal Gayant. Ce qui compte davantage, c’est représenter une grande métropole. Le Paris-Saint-Germain, parce qu’il y représente Paris, peut être aussi prestigieux que Manchester ou Madrid. »

Le seul accroc à cette stratégie finement préparée par tous les acteurs consiste en la rare chose qu’ils ne contrôlent pas : le jeu. Neymar, le joyau de la vitrine que le football français voulait exposer à l’Asie, ne sera pas sur la pelouse à 13 heures. Le risque existe que les téléspectateurs chinois détournent rapidement les yeux s’ils ne voient pas le Brésilien sur le terrain.