Fin de match tendue au Vélodrome entre le Marseillais Adil Rami et le Lyonnais Marcelo. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

« On a beaucoup parlé cette semaine, et au final, on s’est fait exploser. Les Lyonnais chambrent beaucoup, mais le combat, c’est sur le terrain qu’on aurait dû le faire. » Le sage capitaine marseillais, Steve Mandanda, a livré la morale du choc OM-OL, un choc qui avait commencé bien avant son coup d’envoi. « Pardonnez-moi d’être vulgaire, mais on veut les exploser, leur montrer qu’on est chez nous et qu’on y fait la loi », avait déclaré son coéquipier Zambo Anguissa à La Provence, la veille…

Battu sur le fil au Stade-Vélodrome par Lyon, l’Olympique de Marseille s’est immédiatement vu reprocher ses intentions belliqueuses, les Lyonnais eux-mêmes ne manquant pas l’occasion de les surligner rétrospectivement. Il faut toujours « respecter l’adversaire ». En d’autres termes, il ne faut jamais s’exposer à entendre les adversaires victorieux dire : « Ils nous ont manqué de respect. »

Provocations et punitions

« Tous les gens du staff ont fait l’union sacrée pour expliquer aux joueurs qu’ils méritaient mieux que ce qu’on avait dit d’eux. Quelques déclarations des Marseillais avant le match ont aidé à faire en sorte qu’on ait encore plus envie de les battre », a commenté le président Jean-Michel Aulas en zone mixte, ravi de l’aubaine.

Vieilles ficelles, grosses ficelles, mais bonnes ficelles. Aucun entraîneur ne va manquer de surmotiver ses joueurs en leur mettant sous le nez des déclarations vexantes de l’adversaire. Soit que ce dernier se soit réellement aventuré dans les provocations, soit que ses propos eussent été quelque peu tronqués, voire habilement reformulés. En tout cas, les voilà affichés dans le vestiaire, avec une efficacité plus grande que l’émolliente philosophie de motivation habituellement inscrite sur ces murs.

Toute provocation prend le risque de sa punition, tout comme les « Olé ! Olé ! » des spectateurs ou les grigris des joueurs virtuoses augmentent la probabilité d’un taquet à la cheville. Sur le terrain, les provocateurs gagnent souvent : c’est la réaction du provoqué qui va être vue et sanctionnée – le football accorde une prime à la malice (ou au vice). En dehors du terrain, l’exercice est plus délicat.

Défiés avant la rencontre, les Lyonnais l’ont achevée en défiant les Marseillais défaits, certains comme le défenseur Adil Rami tombant dans le panneau. « A la fin du match, on se trompe de combat », a encore constaté Mandanda. Ne restait plus à Rudi Garcia, l’entraîneur local, qu’à recourir à un autre ressort éculé : la critique (à tort) des décisions arbitrales.

Règlement à crédit

Le retour du bâton que l’on a tendu est toujours brutal, en pareil cas, et quelques exemples sont restés célèbres. En 2006, à la veille d’un huitième de finale de Coupe du monde, le quotidien sportif Marca avait titré : « Envoyons Zidane à la retraite ». Le soir, Zidane envoyait l’Espagne en vacances. Et à l’image de Lionel Messi brandissant son maillot à Santiago-Bernabeu, ou de Nabil Fekir l’imitant à Geoffroy-Guichard, le meilleur moment pour une provocation, c’est quand la victoire est acquise.

A l’époque des PSG-OM les plus sulfureux, les Parisiens avaient parfois tendu la joue en se mettant sur un terrain où leurs rivaux étaient supérieurs. Ce sont ces « matchs d’hommes » des années 1990 qu’Adil Rami a récemment déclaré regretter. En cause sur deux des trois buts lyonnais, impliqué dans la bagarre finale et exposé à une longue suspension, le défenseur peut nourrir d’autres regrets, ce matin.

Il est toutefois difficile de jeter la pierre aux perdants de ce jeu, qui sont avant tout victimes du score. Car s’ils remportent une victoire préparée en roulant des mécaniques, l’opinion générale considérera qu’ils ont su aborder la rencontre comme il le fallait. Le tout est de trouver le bon dosage afin que les avertissements ne passent pas pour des rodomontades, l’assurance pour de l’arrogance – laquelle retire tout droit à la faute. Et de mettre les actes en conformité avec les paroles. Commises dans le jeu, les erreurs techniques « se paient cash » ; commises en dehors, les erreurs de communication se règlent à crédit, avec intérêts.

Mais c’est justement à cause de cette justice différée propre au football que l’on n’a jamais vraiment le dernier mot. En brandissant son maillot au nez des vaincus, le défenseur lyonnais Marcelo a certes déclenché des échauffourées qui ont jeté un peu plus de sel sur les plaies des Olympiens d’en face. Mais il a aussi remis une pièce dans le juke-box. « Les Lyonnais nous ont manqué de respect. (…) Il ne faut pas se comporter comme ça, ils le paieront », a prévenu Florian Thauvin.

Jérôme Latta