Le 15 mars, Sylvi Listhaug s’adresse aux médias, au Parlement à Oslo. / GORM KALLESTAD / AFP

Lundi 19 mars au soir, les démocrates chrétiens (KrF) norvégiens ont annoncé qu’ils refusaient d’accorder leur confiance à la très controversée ministre de la justice, ce qui signifie qu’une majorité parlementaire se dégage en faveur de la motion de défiance qui sera examinée mardi au Parlement contre Sylvi Listhaug.

La balle est désormais dans le camp de la première ministre conservatrice Erna Solberg : ne rien faire et risquer la survie de son gouvernement, ou bien nommer sa ministre de la justice à un nouveau poste et éviter un vote de défiance. Car une chose est sûre : son allié populiste, le Parti du progrès (Fremskrittspartiet, FrP) ne tolérera pas le départ de la très populaire Sylvi Listhaug, sans lui-même claquer la porte.

Tout a commencé par un message, posté par la ministre, vendredi 9 mars, sur son compte Facebook. Adepte des réseaux sociaux, la star du FrP y compte plus de 150 000 abonnés. Sur une photo d’un homme masqué, portant un turban et un collier de munitions, le texte dit : « Les travaillistes pensent que les droits des terroristes sont plus importants que la sécurité de la nation. Aimez et partagez. »

Sylvi Listhaug voulait faire adopter un texte de loi, permettant au ministère de la justice de déchoir de sa nationalité norvégienne toute personne d’origine étrangère dont les services de renseignement estiment qu’elle « menace les intérêts fondamentaux de la nation ». Une majorité des députés s’y est opposée, estimant qu’une telle décision ne pouvait être prise que par un tribunal.

Indignation générale

Les Norvégiens sont habitués aux coups d’éclats de leur ministre de la justice, poussant sans cesse les limites de l’acceptable, tant dans la rhétorique que dans ses propositions toujours plus radicales, en matière d’immigration notamment. Sauf que cette fois, Sylvi Listhaug est allée trop loin, en formulant contre le parti travailliste les mêmes accusations que le terroriste, Anders Behring Breivik, énonçait pour justifier le massacre de 77 personnes, le 22 juillet 2011 : une tuerie dont la grosse majorité des victimes appartenait au parti travailliste et à son mouvement jeune, réuni sur l’île d’Utoya.

En Norvège, l’outrage est à son comble. « En tant que survivante, quelqu’un qui a perdu un proche, qui connaît nombre de personnes affectées, en tant qu’être humain, maman et politicienne, je suis choquée », réagit Tonje Brenna, ex-secrétaire générale des Jeunes travaillistes (AUF). La secrétaire du parti, Kjersti Stenseng, suggère, elle, à la ministre de se rafraîchir la mémoire, en allant voir le film Utoya 22 juli, du Norvégien Erik Poppe, sorti en salle le même jour.

L’indignation est à son comble, quand le ministre conservateur des connaissances et de l’intégration, Jan Tore Sanner, intervient à son tour, en accusant le leader des Travaillistes, Jonas Gahr Store, d’« exploiter la carte du 22 juillet ». Sur Facebook, Mona Johannessense demande si elle aussi peut utiliser sa « carte du 22 juillet » pour « faire revenir » son frère, tué à Utoya.

Des excuses tardives

Malgré les pressions, la chef du gouvernement, Erna Solberg, tergiverse. Elle soutient d’abord sa ministre, avant de constater qu’elle a « dépassé les limites » et d’exiger qu’elle retire le post et s’excuse. Sylvi Listhaug l’ignore, puis finit par céder le 14 mars, mais en expliquant sur son compte que les détenteurs des droits de la photo « ne voulaient pas qu’elle soit utilisée à des fins politiques ».

Le même jour, un député rouge (extrême gauche) dépose une motion de censure contre la ministre. Grillée par les députés au Storting, elle s’excuse à dix-sept reprises le lendemain. Sans convaincre. Samedi, elle postait une nouvelle photo d’elle, dans son bureau, au milieu d’une mer de fleurs, remerciant ceux qui la soutenaient. Plusieurs dizaines d’entre eux ont manifesté devant le parlement dimanche.