Le ministre polonais des affaires étrangères, Jack Czaputowicz, et son homologue allemand, Heiko Maas, le 19 mars à Bruxelles. / Virginia Mayo / AP

Les Européens « chantent à plusieurs voix, mais la même chanson ». La formule de la haute représentante Federica Mogherini résume, de manière un peu optimiste, ce qui s’est, une fois encore, déroulé lundi 19 mars, à Bruxelles, lors d’une réunion des ministres des affaires étrangères. Confrontée au risque de voir Donald Trump remettre en cause l’accord international conclu à Vienne, en 2015, sur le programme nucléaire de l’Iran, l’UE entend tout faire pour sauver ce texte mais se divise sur la stratégie pour – peut-être – y parvenir.

D’un côté, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne évoquent des sanctions à prendre contre Téhéran, pour son soutien au régime syrien et aux rebelles houthistes du Yémen, qui sont en guerre contre une coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite. Paris, Londres et Berlin, qui tentent visiblement de convaincre Washington de leur fermeté, disent aussi partager les inquiétudes américaines quant au programme iranien de missiles balistiques, contraire, selon eux, à la lettre et à l’esprit de l’accord de Vienne.

« Leur portée est plus longue, plus précise, plus létale que prévu », affirme un diplomate, qui juge en outre « inquiétant » le transfert de cet armement à « des acteurs étatiques et non étatiques » de la région. « Nous ne devons pas exclure la responsabilité de l’Iran dans la prolifération des missiles balistiques et dans son rôle très discutable au Proche et au Moyen-Orient », déclarait, lundi, Jean-Yves Le Drian, qui se disait « déterminé » à s’assurer que l’accord de Vienne était respecté. « Ce doit être discuté pour parvenir à une position commune », soulignait le ministre français.

« Affreuses erreurs »

Celle-ci est loin d’être trouvée. Un régime de sanctions européennes contre l’Iran est toujours en vigueur, mais son renforcement – ce serait le premier depuis 2015 – suppose une unanimité des Vingt-Huit. La signature de l’accord sur le nucléaire – approuvé par la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Chine, la Russie et les Etats-Unis, alors dirigés par Barack Obama – avait entraîné la levée des sanctions économiques. M. Trump a donné aux signataires européens jusqu’au 12 mai pour « réparer les affreuses erreurs » de ce document, faute de quoi il refusera, dit-il, de prolonger l’assouplissement des sanctions américaines contre la République islamique.

Bruxelles prend très au sérieux cette menace qui, affirme Mme Mogherini, comporte un enjeu sécuritaire majeur « pour l’Europe et le monde ». Aux Etats-Unis, Bob Corker, président républicain de la commission sénatoriale des affaires étrangères, a indiqué récemment qu’il ne croyait pas à la prolongation de l’accord. « Je pense que le président en sortira sans doute, à moins que nos homologues européens ne proposent un autre cadre. Et je n’ai pas l’impression que ce soit leur intention », a-t-il déclaré sur la chaîne CBS.

C’est pour tenter d’infléchir des jugements de ce type que Paris, Londres et Berlin ont déposé un document évoquant de nouvelles sanctions, dévoilé par l’agence Reuters, mais dont l’existence n’est pas confirmée par les chancelleries, soucieuses, à ce stade, de ne pas provoquer d’autres divisions dans le camp européen. Certains pays – dont l’Italie – rejettent, en effet, l’hypothèse de nouvelles mesures coercitives. Ils sont soucieux du développement de leurs relations commerciales, d’autant, soulignent-ils que l’Iran n’a pas vraiment bénéficié du programme d’investissements qui lui était promis et que ses exportations de pétrole vers l’Europe n’ont atteint que les trois quarts de leur niveau d’avant les sanctions.

Le projet élaboré par la France et ses partenaires n’a pas été évoqué par Mme Mogherini. Il n’y a « pas de position officielle de l’Union sur de nouvelles sanctions », a-t-elle insisté. Elle est très attachée à l’accord qu’elle a négocié, et soucieuse de maintenir le contact avec la diplomatie iranienne, qui rejette l’idée d’une négociation de son programme balistique, présenté comme purement défensif.

Téhéran se montre désormais aussi très critique à l’égard de M. Le Drian, qui s’est rendu en Iran au début du mois. « Nous espérions qu’après sa récente visite et ses négociations, [M. Le Drian] comprendrait les réalités de la politique de défense iranienne », a déclaré Bahram Qasemi, porte-parole du ministère des affaires étrangères.