Lors de la publication des résultats du bac 2017, en juillet à Paris. Un quart de la note du classement des lycées du « Monde » dépend du taux de réussite à cet examen, et un autre quart, de la valeur ajoutée apportée par le lycée sur ce critère. / THOMAS SAMSON / AFP

20,1/20 : avec ce score, Sainte-Ursule-Louise de Bettignies se place en tête du classement des lycées 2018 établi par Le Monde dans l’académie de Paris et au 3e rang national. Au-delà des 100 % de réussite au bac, cet établissement privé sous contrat se distingue par une valeur ajoutée de son taux de réussite au bac égale à 2, ce qui indique qu’il conduit davantage d’élèves à la réussite que ne pouvait le laisser escompter le niveau, l’âge et le profil social de ses élèves à leur entrée en 2de.

S’ensuit un peloton de quatre établissements dont le score s’établit à 20/20 : trois sont privés sous contrat (Blomet, Charles-Péguy, Les Francs-bourgeois) et un, public (Lavoisier). Une quarantaine de lycées, moitié publics, moitié privés, prennent la suite avec un score entre 19/20 et 19,95/20. Si l’on considère uniquement le « top dix » parisien, le seul autre lycée public à y figurer est Henri-IV.

Pour Baptiste Jacomino, proviseur de Sainte-Ursule-Louise de Bettignies, « la clé, c’est d’abord le climat de l’établissement, qui doit être serein et tranquille ». Il voit deux explications au succès rencontré : l’accompagnement des élèves depuis la 6e, voire depuis la maternelle, – Saint-Ursule est un groupe scolaire –, ainsi que la taille du lycée. « Nous sommes tout petits : avec 400 élèves, l’accompagnement est plus personnalisé et plus doux qu’ailleurs. » Les enseignants pratiquent une pédagogie collaborative, avec au moins un quart d’heure de travail en groupe pendant le cours. « Nous luttons ainsi contre le stress qui envahit souvent les lycéens mais aussi contre la tentation d’entrer en rivalité les uns avec les autres », explique Baptiste Jacomino.

Le privé doit « rester modeste »

L’établissement mise aussi sur « beaucoup de rituels », à l’instar de temps de silence le matin, mais aussi sur un solide « dispositif hors classe », fait de projets culturels et d’un service obligatoire solidaire à l’extérieur du lycée. « Nous organisons une foire aux associations pour que les élèves décident pour quelle cause ils s’engageront dans l’année », poursuit le proviseur.

Conscient que « la tradition, la réputation et la géographie » ont pour effet que son lycée du XVIIe arrondissement accueille en majorité des élèves favorisés socialement, Baptiste Jacomino entend « rester modeste ». « Une part de notre succès relève de nous-mêmes. L’autre, nous la gagnons sans le vouloir d’une situation parisienne où des familles s’inscrivent dans une stratégie d’évitement des lycées publics, ce qui ne correspond pas à notre ambition. » Comme gage d’ouverture, le proviseur précise qu’une quarantaine de familles bénéficient d’aides pour inscrire leur enfant à Sainte-Ursule, via une commission financée par les parents d’élèves et dotée de 30 000 euros par an.

De son côté, le proviseur du lycée Blomet, dans le XVe arrondissement, Gonzague de Monicault, souligne « la forte pression » dont fait l’objet son établissement catholique. Sa directrice adjointe chargée du lycée, Laurence de Nanteuil, est formelle : « les parents qui viennent de l’enseignement public veulent être rassurés par l’encadrement et la formation spirituelle que nous proposons ici aux élèves. » Au lycée Blomet, deux types de « formations complémentaires » sont proposés, d’une part, pour soutenir les élèves en difficulté et, d’autre part, pour pousser plus haut les très bons élèves. Les premiers bénéficient d’une à deux heures de soutien hebdomadaire, notamment en mathématiques. Les seconds ont la possibilité de suivre des cours de « maths + » et d’« anglais + ». « Nous nous repositionnons en permanence pour améliorer le niveau de nos élèves », ajoute le proviseur qui travaille à l’ouverture d’un atelier d’écriture.

Des enseignants habitués à travailler ensemble

Quant à l’orientation post-bac, elle est évoquée dès la classe de 2de à travers l’organisation de douze soirées thématiques sur les secteurs d’activités professionnelles. « Soirée métiers d’art, soirée Sciences Po… des enseignants et directeurs d’établissement d’enseignement supérieur se déplacent pour présenter leur formation et répondre aux questions de nos élèves », décrit Gonzague de Monicault. « Nous faisons en sorte que nos élèves puissent se projeter au maximum dans leur avenir. »

Du côté du seul lycée public à obtenir une note de 20/20, Lavoisier, sa proviseure Mathilde Courtois met d’abord l’accent sur « des équipes solides et qui ont l’habitude de travailler ensemble ». « Nos professeurs acceptent de se priver d’une partie de leurs moyens horaires pour que nous puissions doubler les heures d’accompagnement personnalisé en 2de », ainsi portées à quatre heures hebdomadaires. Les professeurs acceptent aussi de concentrer cet accompagnement sur deux disciplines : le français et les maths.

« Nos professeurs savent s’adapter à des élèves différents », salue également Mathilde Courtois, en référence à la classe Ulis du collège, dont un grand nombre d’élèves atteints d’un handicap poursuivent ensuite au sein du lycée. La proviseure pousse, en outre, les enseignants à réfléchir à leurs pratiques de notation, afin de « dédramatiser » l’évaluation des élèves. En vérifiant la cohérence de l’ensemble des notes, « nous arrivons à faire baisser quelque peu la pression, quitte à changer en douceur la pratique de certains professeurs ».

Être en synergie

Alors que les élèves de 2de, affectés par le logiciel Affelnet, proviennent d’une trentaine de collèges différents, la proviseure se fait fort d’« homogénéiser cet ensemble » dès la rentrée. « Pour créer une synergie entre tous ces élèves, nous montons des projets de classe : il y a le projet Florence, le projet Grèce, l’atelier scientifique en lien avec un lycée professionnel, l’atelier développement durable ou encore l’atelier littéraire », détaille-t-elle. L’an prochain, un écrivain devrait même rester en résidence à Lavoisier. « Les élèves comprennent vite qu’on n’avance bien que lorsqu’on est en synergie avec son environnement. »

Le taux de boursiers n’est que de 14 %, une proportion dans la moyenne du bassin du Quartier latin. « C’est trois fois plus qu’il y a cinq ans », souligne la proviseure. Laquelle se félicite de voir « exploser » les résultats de ses élèves : « En plus de faire 100 % de taux de réussite au bac 2017, nous avons doublé le nombre de mentions très bien et tous nos élèves de terminale ES ont obtenu au moins une mention assez bien. »

Au lycée Condorcet, dans le IXe arrondissement, la proviseure Christiane Borredon se félicite des résultats « encore meilleurs qu’auparavant » de ses élèves, en provenance de 30 à 40 collèges : « Depuis huit ans que je dirige l’établissement, notre taux de boursiers est passé de 6 % à 26 %. De l’extérieur, on a l’impression que tout a toujours bien fonctionné naturellement à Condorcet. Mais pas du tout ! Vu la modification du public que nous accueillons, nous avons dû nous adapter et c’est un travail de tous les jours. »

« Les élèves aiment leur établissement et aiment aussi s’identifier à lui, notamment à travers les liens d’entraide que les professeurs encouragent au sein des classes, explique-t-elle. Certains élèves ont des acquis très fragiles, nous les hissons en 1re et ils seront mis en situation d’obligation de réussite, de manière claire et exigeante. »

Pour responsabiliser les élèves au maximum, le lycée a décidé d’abandonner les carnets de correspondance. « Cela n’entraîne pas de problème d’assiduité particulier, affirme la proviseure. C’est à l’élève lui-même de rendre compte à ses parents de ce qui est fait en classe. » De même, au lycée Condorcet, plus aucun conseil de discipline ne se réunit. « Le dernier a eu lieu en 1968… C’était pour Romain Gary. »

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Comment apprécier les résultats d’un lycée ?

Les indicateurs de résultats des lycées évaluent non seulement la réussite au baccalauréat des élèves de terminale d’un établissement, mais aussi la capacité de cet établissement à accompagner le maximum d’élèves depuis la seconde jusqu’à l’obtention du diplôme, en prenant en compte les caractéristiques sociodémographiques et scolaires des élèves.

Ils offrent en cela une analyse plus fine que le seul taux de réussite au baccalauréat, en appréciant également le parcours scolaire des élèves depuis leur entrée au lycée et le caractère plus ou moins sélectif des établissements.

Trois indicateurs sont utilisés pour mesurer la valeur propre d’un établissement :

  • le taux de réussite au baccalauréat, c’est-à-dire la proportion de bacheliers parmi les élèves ayant passé le baccalauréat ;

  • le taux d’accès au baccalauréat, qui est la proportion d’élèves de seconde ou de première qui obtiennent le baccalauréat en restant dans l’établissement ;

  • la proportion de bacheliers parmi les élèves qui quittent l’établissement.

Il ne s’agit donc pas pour le ministère de réaliser un classement des lycées mais de proposer, à travers cette combinaison d’indicateurs, une image de la réalité complexe et relative que constituent les résultats d’un établissement.

Pour consulter les indicateurs : www.education.gouv.fr/indicateurs-resultats-lycees