Le général Gilbert Diendéré, le 23 septembre 2015. / AP

« Je suis confiant, très confiant. » Large sourire aux lèvres, le général Gilbert Diendéré, chef de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP), s’installe dans le box des accusés. Il est 8 h 10. Quelques minutes plus tard, l’autre principal accusé dans ce procès sur le putsch manqué de septembre 2015 qui s’est rouvert ce mercredi 21 mars, s’assoit à sa droite. « J’aborde ce procès dans de bonnes conditions », déclare à la volée le général Djibrill Bassolé, l’ancien chef de la diplomatie de Blaise Compaoré, qui se dit « serein ».

A 9 heures, les deux magistrats du tribunal s’attablent derrière trois hautes piles de documents. Leur tête dépasse à peine. Ce sont les 15 000 pages du dossier d’instruction motivant l’inculpation des 84 personnes accusées d’avoir tenté, en vain, de renverser le gouvernement de transition mis en place après la chute du président Blaise Compaoré (1987-2014). Une tentative de coup d’Etat qui fit 14 morts et 251 blessés.

Questions de procédure

Face à la cour, la salle des banquets de Ouagadougou est pleine. Les sympathisants des accusés se mêlent à la trentaine de témoins et aux 307 parties civiles constituées dans ce dossier hors norme. Tous attendent que les inculpés abordent le fond, à la barre. Il faudra encore attendre. Comme lors de l’ouverture du procès, le 27 février, ce sont des questions techniques de procédure qui seront soulevées par les avocats de la défense tout au long de cette deuxième journée d’audience.

« Quand on se précipite pour faire des textes, cela crée des erreurs. Il faut les accepter et les corriger », lance maître Paulin Salambéré, un des avocats de la défense. Tous contestent le décret portant nomination des magistrats de la cour, publié au début de 2018. Celui-ci indique que le président de la cour, Seydou Ouédraogo, est nommé président de la chambre de jugement. Problème : la chambre de jugement a été supprimée au profit d’une chambre de première instance par une loi modificatrice, en juillet 2017.

« Faux débat », répondent en cœur les avocats des parties civiles. « Qu’on l’appelle chambre de jugement ou chambre de première instance, c’est toujours une chambre de jugement ! », estime maître Neya. « Si des gens veulent encore sortir de la salle et ne souhaitent pas que ce procès se tienne, qu’ils le disent clairement ! », renchérit maître Yanogo. Pour les avocats des parties civiles, la défense joue sur les mots dans un unique but : empêcher ce procès d’avoir lieu. « La défense veut simplement mettre des grains de sable dans la procédure. Décrédibiliser la justice est une stratégie de défense bien connue. […] Elle a été utilisée par toutes les personnes accusées des crimes les plus graves ! », dénonce maître Guy Hervé Kam, avocat de victimes, lors de la suspension de l’audience, à 15 heures.

A quelques mètres de lui, maître Mathieu Somé, l’un des avocats du général Diendéré, conteste. « On ne dit pas de ne pas juger ! Nous ne voulons pas que l’opinion publique pense que nous ne souhaitons pas aller au procès. Nous disons qu’il ne faut pas juger pour juger. Il y a une erreur dans ce décret, corrigeons là. »

La défense demande le retrait du président de la cour

Après une heure de pause, l’audience reprend avec maître Christophe Birba, un des avocats de la défense. Il frappe encore plus fort en soulevant une autre « irrégularité », toujours concernant le décret de janvier portant composition de la cour. Cette fois, c’est la signature qui pose problème aux conseils des accusés. Le ministre de la justice, René Bagoro, en est le responsable, or il est également partie civile dans ce dossier. Pour la défense, le droit à un procès équitable n’est pas respecté. Christophe Birba demande la récusation du président du tribunal.

« Nous ne voyons pas comment on peut dire que c’est un élément suffisant pour dire que le ministre de la justice aurait choisi des juges acquis à sa cause afin de juger son affaire », conteste maître Prosper Farama, un des avocats des parties civiles, à la suspension de l’audience, à 17 h 30.

Faux débats pour les conseils des parties civiles, discussions fondamentales afin d’engager un procès équitable qui respecte le droit, pour la défense… Ces questions de procédure reprendront demain matin, mercredi 22 mars, dans cette salle des banquets hautement symbolique. Car c’est ici que les autorités de la transition, dirigée par le président Michel Kafando, avaient été rétablies, en septembre 2015, confirmant l’échec cette tentative de putsch, qualifiée par les Burkinabés de « coup d’Etat le plus bête du monde ».