Martin Fourcade poursuit sa collection de globes, le 22 mars 2018 à Tioumen (Russie). / Sergei Grits / AP

On va appeler ça la force de l’habitude, mais Martin Fourcade a une certaine facilité quand il s’agit d’analyser ses victoires, mais aussi les comparer, les soupeser et leur attribuer des mots-clés. Ce septième gros globe du classement général de la Coupe du monde, le Français en parle comme d’« un sentiment de plénitude, de paix intérieure loin de l’adrénaline d’une victoire aux JO ou aux Mondiaux ». Fourcade est bien placé pour comparer avec cinq titres olympiques et onze sacres mondiaux.

Sous la neige sibérienne de Tioumen, le Catalan a mis fin ce jeudi 22 mars au feuilleton qui tenait le monde du biathlon en haleine, à savoir son duel avec Johannes Boe. Sa victoire dans le sprint (devant son compatriote Simon Desthieux) cumulée à la contre-performance du Norvégien (14e) lui offre le petit globe de la spécialité et celui du général avant même la poursuite de samedi et la mass-start dimanche. Et tant pis pour la dramaturgie :

« Je sais que certains rêvaient d’un dénouement final lors de cette dernière course, mais moi, je ne faisais pas partie de ces gens-là. Alors pas du tout. Je suis heureux de plus avoir le sentiment que je pouvais rater quelque chose dimanche. »

Il y a bien sûr les chiffres, les records, le vertige de dépasser la légende Ole Einar Bjoerndalen et ses six globes, la satisfaction d’« être le meilleur biathlète du monde sur sept années consécutives », mais la cuvée 2017-2018 a un goût particulier. Surtout en repensant au début de saison, quand Boe semblait prendre l’ascendant en décembre. « Remporter cette bataille est ma satisfaction, concède celui qui n’est toujours pas descendu du podium de l’hiver. J’ai répété que Johannes était alors à un niveau exceptionnel. »

Redevenu chasseur, Fourcade a attendu son heure, persuadé que la terrible mécanique norvégienne allait bien finir par se gripper. « Sa stratégie de tir en début de saison ne pouvait pas passer tout le temps. Il était dans une dynamique incroyable, avec une réussite folle – qui n’a rien à voir avec de la chance – mais je savais que ça serait compliqué de maintenir ce niveau de performances au tir. »

« Juste envie de rentrer à la maison »

Bien vu. Au fil des semaines, sa régularité derrière la carabine l’emporte sur la vitesse de tir du Lucky Luke de Markane. Et, si les courses olympiques ne comptent pas pour le classement de la Coupe du monde, Fourcade parle de Pyeongchang comme du moment de bascule. « La dynamique s’est clairement inversée en ma faveur à ce moment-là et je savais que j’étais capable de continuer à garder ce niveau de performance. »

La suite ? Quand on lui parle du record de victoires de Bjoerndalen en Coupe du monde (95), Fourcade (73 succès) coupe tout de suite. « Je dois avouer que je n’ai pas du tout d’objectifs. J’ai juste envie de rentrer à la maison, de profiter de mes filles, de prendre le temps de respirer, de reconstruire un projet sur les deux ans à venir. Je n’ai pas du tout la tête à ça. »

Ni aux Jeux de Pékin, en 2022, lui qui a prévu de pousser jusqu’à 2020 sans fermer la porte, cependant, à une nouvelle aventure olympique. « Depuis longtemps, j’ai le sentiment profond que si j’ai envie, je serai capable de continuer à dominer mon sport », disait-il à ce sujet lors d’un entretien au Monde. Martin Fourcade n’en a peut-être fini d’analyser les victoires de Martin Fourcade.