En s’expliquant le 21 mars 2018, Mark Zuckerberg n’a pas convaincu la presse anglo-saxonne. / Nam Y. Huh / AP

Sa prise de parole était attendue, mais elle est loin d’avoir fait taire les critiques. Près d’une semaine après les enquêtes du Guardian et du New York Times, qui ont révélé le 17 mars que les données de plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs Facebook avaient été exploitées à leur insu par Cambridge Analytica, une firme britannique proche de Donald Trump, Mark Zuckerberg s’est expliqué, mercredi 21 mars, par le biais d’un message Facebook et de plusieurs entretiens dans les médias. Une intervention qui a laissé la presse anglo-saxonne – pourtant habituellement bienveillante envers le fondateur du célèbre réseau social – sur sa faim.

Le magazine américain Wired relève ainsi que le « tour d’excuses » du patron de Facebook « reprend les bons vieux “mea-culpa-mais-pas-trop” » de la firme, en rappelant que Mark Zuckerberg avait en 2016 qualifié « d’idée assez folle » le fait que de fausses informations aient pu influencer les résultats de la présidentielle américaine. Cette fois, il a évoqué des erreurs passées et condamné Cambridge Analytica, tout en soulignant que les règles d’utilisation pour les entreprises tierces avaient été renforcées depuis 2014, à l’époque du siphonnage des données par la société britannique :

« C’est raisonnable, mais la grande question est de savoir si Facebook porte une responsabilité en ayant permis à des acteurs mal intentionnés comme Cambridge Analytica de fleurir. »

« Un scandale que Facebook a construit lui-même »

L’analyse est similaire du côté du Guardian. Dans une chronique, le journaliste John Harris évoque « un scandale que Facebook a construit lui-même » :

« Ce bazar était inévitable. Facebook a travaillé sans relâche pour rassembler autant de données que possible sur ses utilisateurs et en tirer profit. »

L’influent quotidien britannique reproche notamment au réseau social de ne pas avoir alerté ses utilisateurs de l’important siphonnage de données, et de ne pas être allé assez loin pour les protéger. Le double discours de Facebook, qui se vante de vouloir « rapprocher le monde » mais dont le modèle économique repose quasi exclusivement sur la collecte de données personnelles et leur exploitation à fins publicitaires, est un modèle vicié par essence, estime le journaliste du Guardian.

« Loin d’excuses à pleine gorge »

D’une manière générale, les explications du PDG de Facebook n’ont pas convaincu. Dubitatif, le site américain Quartz relève que Mark Zuckerberg « a oublié de s’excuser » dans son billet : « Il n’a pas explicitement présenté ses excuses pour avoir mis en danger les données de 50 millions d’utilisateurs Facebook, préférant dire que l’entreprise a enclenché depuis longtemps une mutation pour éviter une nouvelle débâcle similaire. » Le New York Times, dans un article très mesuré, prend également acte du fait que « la déclaration [de Mark Zuckerberg] en réponse à la salve de critiques n’était pas une véritable demande de pardon ».

Connu pour son ton satirique, proche d’un Canard enchaîné du numérique, The Register est plus cinglant : « La réponse tant attendue de Mark Zuckerberg : Tout va bien ! Grosso modo, c’est réparé ! Facebook est génial ! Tout va bien sous la capuche ! »

La veille de la prise de parole du PDG de Facebook, CNN relevait déjà que la vedette de la Silicon Valley était passée en un an de « chouchou pour 2020 [date de la prochaine élection présidentielle américaine, pour laquelle Mark Zuckerberg était pressenti comme candidat démocrate] à calamité politique ». Que faire désormais ? Pour The Verge, qui ironise sur le fait que Mark Zuckerberg compare les discours haineux sur sa plate-forme à la poussière autorisée dans du poulet industriel, « la question de la régulation est sur la table ».