Le footballeur français Mathieu Flamini sous les couleurs d’Arsenal contre l’Olympiakos, en décembre 2015. / ANGELOS TZORTZINIS / AFP

Si vous n’êtes pas un fan des Gunners d’Arsenal ou un bon connaisseur du football français, il y a peu de chances pour que vous ayez entendu parler de Mathieu Flamini avant mars 2018. Malgré une belle carrière, le joueur de 34 ans n’est pas une star à la mesure de Zinédine Zidane ou de Michel Platini. Et pourtant, le milieu de terrain du petit club de Getafe, en Espagne, a fait l’objet de centaines d’articles dans la presse française et internationale ces dernières semaines.

Sur un ton souvent chauvin, il y est décrit comme « le footballeur le plus riche du monde », largement devant Messi, Neymar ou Beckham. Un véritable petit miracle… qui s’étiole largement quand on dégonfle la bulle médiatique autour de cette histoire, comme l’ont fait nos collègues de 20 minutes.

Une estimation de 2015 jamais vérifiée

Tout part d’un article du quotidien sportif espagnol As. Le 2 février, le journaliste sportif Javier Hernandez profite de la signature de Mathieu Flamini à Getafe pour tirer un petit portrait du footballeur-businessman, qui a mené sa carrière de front avec la création d’une véritable poule aux œufs d’or, GFBiochemicals. Une société de biochimie qui s’est lancée en 2008 sur le créneau très prometteur de l’acide lévulinique – une molécule issue de déchets végétaux, présentée comme un potentiel substitut au pétrole. Dans l’article, As affirme – sans citer ses sources – que cette société est valorisée à hauteur de « 30 000 millions d’euros ».

Il n’en fallait pas plus pour affoler l’écosystème médiatique français. En mars, Le Parisien reprend à son compte ce chiffre pour placer Flamini parmi les deux footballeurs les plus riches du monde, et une bonne partie de la presse française embraye, sans vérifier le chiffre à aucun moment – ni préciser que Mathieu Flamini ne possède que 50 % de la société miraculeuse.

D’où vient donc ce fameux chiffre de « 30 000 millions d’euros » ? On le retrouve en 2015 dans un article du quotidien espagnol ABC, qui se basait lui-même sur un tweet dans lequel Mathieu Flamini annonçait que sa société pourrait un jour valoir « jusqu’à 20 milliards de livres sterling » – soit environ 30 milliards d’euros.

Cette valorisation à 30 milliards d’euros (qui s’est transformée comme par magie en 30 milliards de dollars dans un article de Forbes France) est pourtant largement extravagante.

Pas de bénéfices pour l’instant

GFBiochemicals n’étant pas cotée en Bourse, elle n’a pas de valorisation officielle. Sa valeur ne peut donc reposer que sur des supputations, liées au potentiel de sa technologie. Ce que Mathieu Flamini reconnaît d’ailleurs auprès de 20 Minutes : « Ce n’est pas notre compagnie qui est estimée à 20 milliards de dollars, et encore moins ma fortune personnelle, mais celle du marché global sur lequel nous nous positionnons. Ce n’est tout de même pas la même chose ! »

Et le chercheur en chimie thérapeutique Janos Sapi de préciser à nos confrères que « ces 20 ou 30 milliards dont on parle, c’est la valeur potentielle du marché, à condition qu’on arrive à lever les verrous technologiques » qui empêchent pour l’instant l’acide lévulinique d’apparaître comme une alternative rentable au pétrole. On parle donc de maximum 30 milliards de « chiffre d’affaires », et non de « bénéfices ». En plus de cela, selon Janos Sapi, GFBiochemicals n’occupe aujourd’hui qu’un tiers du marché.

Dans le cadre de l’enquête « Paradise Papers », en novembre 2017, Le Monde avait déjà établi que des circuits offshore avaient permis à Mathieu Flamini et son associé dans GFBiochemicals de recevoir au moins 7 millions d’euros de financement de sociétés proches de l’oligarque russe Alicher Usmanov. A cette occasion, pour se défendre d’avoir choisi de s’implanter à Malte pour des raisons fiscales, le porte-parole de sa société nous avait assuré qu’elle n’avait jamais enregistré de bénéfices.

A supposer que Mathieu Flamini soit assis sur une poule aux œufs d’or, il n’en a donc pas encore tiré les dividendes, et n’est probablement pas encore milliardaire.