Humiliations sexistes, insultes, jeux de rôle misogynes, harcèlement moral quotidien… « Une machine à broyer les femmes », titre Libération, qui, dans une longue enquête publiée le 23 mars, raconte comment un noyau dur, composé d’élèves « tradis », impose sa loi aux filles et aux réfractaires au sein du lycée militaire de Saint-Cyr-l’Ecole (Yvelines), préparatoire aux grandes écoles militaires.

L’affaire a éclaté au début de décembre 2017, relate le quotidien, quand une élève de deuxième année a envoyé une lettre à Emmanuel Macron, dans laquelle elle dit « avoir honte d’avoir voulu aller dans une armée qui n’est pas prête à recevoir des femmes ». La jeune femme explique avoir été persécutée pendant deux ans par un petit groupe de garçons, résolus à lui faire abandonner ses études.

Une minorité ultraconservatrice

Extrêmement influents au sein de l’établissement, ces jeunes hommes gravitent dans la sphère catholique traditionaliste – ils assistent à la messe en latin le mercredi et le dimanche –, se disent souvent proches des milieux d’extrême droite et affichent ouvertement des positions contre les homosexuels ou l’avortement. Les filles sont traitées de « grosses », car elles ne seraient « juste bonnes qu’à être engrossées ». « Les filles de classe prépa sont le diable, des pestiférées, des voleuses de concours, des ennemis à éliminer », témoigne ainsi un « tradi » repenti.

« On retrouve les filles en pleurs dans les couloirs, prêtes à tout arrêter du jour au lendemain »

Ce petit groupe ultraconservateur (une soixantaine d’élèves sur les 230 du lycée militaire de Saint-Cyr-l’Ecole) parviendrait à faire le vide autour de lui, en décourageant les filles, par un travail de sape mental, de poursuivre leurs études, et en marginalisant les garçons rebelles à leurs valeurs. Beaucoup de jeunes femmes craquent : « On retrouve les filles en pleurs dans les couloirs, prêtes à tout arrêter du jour au lendemain », raconte à Libération une source interne. Une ancienne élève de l’établissement se souvient :

« Je me sens humiliée dans mon identité de femme et bafouée dans mon droit d’être ici. ça m’a rendue malade, j’ai longtemps eu des nausées, des maux de ventre. »

« Tolérance zéro » pour la ministre

Les témoignages recueillis décrivent des jeunes hommes « prêts à tout » pour éliminer toute forme de concurrence pour l’entrée à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr – le graal pour ces étudiants. Si bien qu’il n’est pas rare de voir arriver « les pires » à Coëtquidan (Morbihan), et par conséquent de les retrouver parmi les officiers de l’armée.

La direction de l’établissement qui, dans un premier temps, évoquait de simples « blagues potaches », remue depuis ciel et terre pour étouffer l’écho médiatique qu’à reçu l’affaire révélée par Libération. « Ici, on laisse les filles se faire opprimer et on ne sanctionne jamais les bourreaux », déplore une ancienne élève du lycée militaire.

Invitée vendredi 23 mars sur RTL, la ministre des armées, Florence Parly, qui dit avoir ordonné des enquêtes sur les agissements décrits à Saint-Cyr, a répondu fermement :

« Pour ce qui me concerne, c’est tolérance zéro. On redoublera d’efforts pour que ce comportement de minorité cesse. Le problème est réel, des dysfonctionnements graves ont été constatés, Des mesures ont été mises en œuvre. »

La ministre envisage des sanctions d’exclusion contre les élèves concernés, voire des « sanctions éventuelles contre le corps enseignant s’il ne prend pas les mesures qui conviennent ». « Il est inacceptable au XXIe siècle que des jeunes filles soient l’objet de pareilles discriminations », s’est indignée Florence Parly au micro de RTL.