La chancelière allemande  Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron, à Bruxelles, le 23 mars. / LUDOVIC MARIN / AFP

Preuve que le couple « Merkron » (pour Merkel et Macron) et sa capacité à entraîner le reste des Européens suscitent encore des espoirs : la conférence de presse commune entre la chancelière allemande et le président français, vendredi 23 mars, en clôture d’un conseil européen de deux jours à Bruxelles, a fait le plein de journalistes.

Emmanuel Macron, qui avait déjà rencontré Angela Merkel, tout juste intronisée pour un quatrième mandat la semaine dernière, s’y est déclaré « confiant » dans sa capacité à parvenir à une « feuille de route européenne de réformes » commune avec Berlin en juin. En décembre 2017, il avait déjà promis de « converger » avec Berlin sur la poursuite de l’intégration de la zone euro dès ce conseil de mars.

Mais les difficultés de l’Allemagne à se doter d’un gouvernement de coalition, à la suite des élections fédérales de septembre 2017, ont eu raison de cet agenda hexagonal. Et dans l’intervalle, certaines de ses idées les plus ambitieuses – un ministre des finances de la zone euro, un Parlement de la zone euro, un budget conséquent de la zone euro – ont été battues en brèche par les moins enthousiastes des Etats membres, Pays-Bas en tête.

« C’est le bon moment pour fixer nos ambitions à long terme », estime Donald Tusk, le président du Conseil européen

Paris semble en avoir déjà tiré les conséquences. A l’issue d’une discussion de deux heures sur ces réformes macroniennes « de long terme », vendredi, le président français n’a pas une fois mentionné le terme « budget européen » lors de sa conférence. La chancelière a pour sa part surtout insisté sur les priorités allemandes : l’achèvement de l’union bancaire, une réforme pourtant sur la table depuis… 2013, à propos de laquelle elle a jugé nécessaires « des progrès très rapides ». Et l’évolution du Mécanisme européen de stabilité (MES, mis en place pendant la crise pour éviter la faillite à la Grèce ou l’Irlande), vers un véritable Fonds monétaire européen.

Même si le peu d’entrain pour révolutionner l’architecture de la zone euro était manifeste vendredi, M. Macron n’a pas complètement prêché dans le désert. Donald Tusk, le président du Conseil européen, qui insiste pourtant depuis des mois sur les réformes de « court terme » (union bancaire, MES) plutôt que sur l’agenda français, a ainsi estimé que « la situation n’a jamais été aussi favorable depuis la création de l’euro. C’est le bon moment pour fixer nos ambitions à long terme ». « La capacité fiscale [une forme de budget de la zone euro] et d’autres sujets sont controversés mais on fixera des orientations en juin », a ajouté l’ex-premier ministre polonais.

« Le président français a déjà obtenu qu’on parle de ses sujets aujourd’hui. Il a aussi obtenu qu’on continue d’en parler dans les mois qui viennent, ce n’est pas si mal », juge une source proche des discussions du Conseil. La taxe digitale, un projet français, n’a pas non plus suscité autant de crispations entre dirigeants de l’Union que redouté, notamment par la Commission européenne.

Trop tôt pour crier victoire

Cette dernière, répondant aux demandes pressantes de Paris, a proposé mercredi que ce nouvel impôt représente 3 % du chiffre d’affaires européen des plates-formes du numérique et des réseaux sociaux. Ces derniers jours, Irlandais et Luxembourgeois étaient montés au créneau pour exprimer leur réprobation.

Mais jeudi, Xavier Bettel, le premier ministre du Grand-Duché, est apparu beaucoup plus ouvert face à ses pairs, reconnaissant qu’il était illusoire d’attendre, avant de taxer les géants du Net, que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec sa grosse trentaine de membres (dont les Etats-Unis), se soit elle-même prononcée.

Vu le contexte géopolitique avec des Américains désormais prêts à déclencher une guerre commerciale contre l’Union, « les capitales qui continuent à insister sur l’OCDE deviennent ridicules : ses travaux n’aboutiront pas avant longtemps. Par ailleurs, tout le monde reconnaît qu’il y a un vrai problème avec les groupes du numérique, qui ne paient pas assez d’impôts », glissait vendredi une source bruxelloise. Les dirigeants européens ont même convenu de reparler de la taxe lors de leur prochain rendez-vous au sommet, en juin. Trop tôt certes pour crier victoire à Paris, mais, au moins, le projet n’est pas parti aux oubliettes.