Toni Halonen / Agent Pekka pour « M Le magazine du Monde »

Au rendez-vous de la haute horlogerie à Genève, en janvier, la montre qui a fait le plus de buzz, c’était elle. Une pièce modeste, loin des grandes complications, des innovations de rupture et des nouvelles stars de grandes marques. Car la Clifton Baumatic de Baume & Mercier a entériné un état de fait : le temps est venu des montres plus abordables, aussi bien dotées et tout autant designées.

Avec un tout nouveau mouvement mécanique, cinq jours d’autonomie au lieu de deux, une précision de niveau chronométrique et une fiabilité supérieure grâce à des matériaux high-tech comme le silicium, cette pièce classique est pourtant facturée de 30 à 50 % moins cher que ses concurrentes, soit 2 600 euros, le même prix… qu’une autre Clifton tout à fait basique lancée il y a sept ans.

Chute du tourisme d’achat chinois

Confrontée depuis 2015 à une baisse historique de ses ventes, due notamment à la chute du tourisme d’achat chinois, l’industrie de la montre de luxe n’avait plus vraiment le choix. Elle devait se reconnecter à son client. Lui-même, justement connecté aux réseaux sociaux et à Internet, a gagné en maturité et en capacité à comparer.

« A l’été 2017, lors de l’effondrement de la livre sterling à la suite du vote du Brexit, il y a eu un effet d’aubaine », se souvient Arnaud Cymerman, directeur général des boutiques Heurgon à Paris. Des ventes qui auraient pu se faire en France, ou ailleurs en Europe, se sont reportées sur Londres. « Le segment des montres de 5 000 à 10 000 euros a beaucoup moins flanché que celui au-delà des 30 000 euros », poursuit Arnaud Cymerman.

Clifton Baumatic, Baume & Mercier, certifiée chronomètre, cinq jours de marche, amagnétique, 2 600 €. / Baume & Mercier

Résultat, pour les marques, qui n’avaient eu de cesse de monter en prestige et en prix ces quinze dernières années, l’heure est à la baisse de prix, seules les stratégies varient. Certaines misent sur la simplification du produit. Bracelet en veau plutôt qu’en crocodile, boucle épurée, cadran lisse, mouvement sans date… et le tarif chute de 400 à 600 euros.

D’autres encore, sous pression, ont repensé leur offre. A produit comparable, TAG Heuer a baissé ses prix de 10 à 20 % grâce à des efforts industriels… et en rognant sur les marges. Le mot d’ordre qui émane de la quasi-totalité des marques consiste en tout cas à remettre le client et ses préoccupations financières au cœur de la définition des produits.

Drive Extra-Plate, Cartier, désormais disponible en acier, 5 400 €. / Vincent Wulveryck / Cartier

De l’or à l’acier

Cela aboutit à renoncer à certains dogmes, et, par exemple, à imaginer en acier des modèles qui n’existaient qu’en or. Cartier propose ainsi sa Drive Extra-Plate en acier 65 % moins chère que le modèle de 2017, en or gris. En apparence, les deux montres restent toutefois identiques, très fines, parfaitement proportionnées et élégantes.

Les seules marques qui peuvent échapper à cette nouvelle donne sont celles qui ont toujours su se modérer. Le géant Swatch Group, dont les marques milieu de gamme comme Longines ou Hamilton sont d’une constance rare, profite ainsi de l’aubaine avec des montres souvent situées entre 900 et 2 000 euros.

« Deux mille euros représentent un seuil psychologique majeur, confirme Vincent Coquet, directeur marketing et communication d’Oris France. L’important est de proposer un rapport qualité/prix élevé, en particulier sur la montre dame. » La sous-enchère n’est donc pas terminée et le client n’a pas fini d’y gagner.

Date Diamonds, Oris Artelier, avec mouvement automatique et une lunette sertie de diamants, 3 000 €. / Oris

Clifton Baumatic, Baume & Mercier, certifiée chronomètre, cinq jours de marche, amagnétique, 2 600 €.

Drive Extra-Plate, Cartier, désormais disponible en acier, 5 400 €.

Date Diamonds, Oris Artelier, avec mouvement automatique et une lunette sertie de diamants, 3 000 €.