La photo diffusée sur le compte Facebook d’un professeur et relayée ensuite sur les réseaux sociaux. / YAHYA ERFAN / AFP

La photographie d’une étudiante afghane passant un examen d’entrée à l’université, assise à même le sol avec son bébé sur les genoux, a fait le tour du Web, provoquant une vive émotion en Afghanistan, où nombre de femmes sont illettrées.

Sur cette image, prise le 16 mars par un professeur de l’université privée Nasir Khusraw, où se déroulait l’examen, Jahantab Ahmadi est assise en tailleur, le visage penché sur sa copie, son enfant contre elle. Le cliché, publié sur la page Facebook du professeur, fait le tour de la Toile, sans même qu’elle en soit consciente. De nombreux internautes ont salué la persévérance de la jeune femme.

« Mes amis au village m’ont dit : “Tu as été photographiée.” Je leur ai dit : “Comment ai-je pu ne pas savoir qu’on me photographiait ?” Et ils m’ont répondu : “Tu étais concentrée sur l’examen.” », a-t-elle raconté, timide, à l’Agence France-Presse.

« Je veux devenir doctoresse »

La jeune femme de 25 ans, mère de trois enfants, ne « [veut] pas être privée de [ses] études ». Elle qui vient d’un petit village de la province du Daikundi, où le blé, le maïs et les patates assurent de maigres revenus, veut « travailler hors de [sa] maison ». « Je veux devenir doctoresse, quelqu’un qui sert les femmes de ma communauté ou de ma société », assure-t-elle.

Pour pouvoir passer cet examen d’entrée à la mi-mars, Jahantab Ahmadi a d’abord dû marcher deux heures dans les montagnes. Puis elle a pris les transports en commun, arrivant neuf heures de cahots plus tard dans la capitale provinciale Nili.

Au début du test, qui se déroulait en extérieur, elle s’est comme les autres candidats assise à un pupitre. Mais sa fille Khizran, âgée de quelques mois, souffrait d’une oreille et ne cessait de crier.

Pour la calmer, et ne pas déranger ses voisins, Jahantab explique s’être mise à terre, derrière un autre candidat. « Je devais me concentrer sur le bébé et passer le test. »

Solidarité

La jeune femme avec son mari, à Kaboul. / WAKIL KOHSAR / AFP

L’Association de la jeunesse afghane a lancé une campagne de financement en ligne pour Jahantab Ahmadi et a récolté 14 000 dollars, une fortune dans un pays où 39 % de la population vit dans la pauvreté.

Zahra Yagana, une célèbre défenseuse des droits des femmes, a contacté Jahantab Ahmadi et l’a convaincue de venir à Kaboul pour y étudier. Elle l’aide actuellement à entrer dans une université privée de la capitale afghane. Et héberge la jeune mère, son mari et leurs trois enfants. « Si elle devait étudier au Daikundi, ce serait dur pour elle », a expliqué la militante. Là-bas, « le niveau d’éducation est bas. Il n’y a pas de résidence universitaire et elle devrait vivre dans une location », poursuit-elle.

Et d’assurer : « Nous lui trouverons un logement [à Kaboul]. Beaucoup d’amis ici ont promis de l’aider. Nous essayons de trouver un travail pour son mari et aussi de lever des fonds pour permettre à ses enfants d’aller à l’école. »

Une solution idéale pour Jahantab Ahmadi, dont « le but dans la vie était d’être admise à l’université », remarque-t-elle. « Mais du fait de notre pauvreté, je n’ai pas pu me permettre d’étudier pendant trois ou quatre ans », regrette celle qui a fini le lycée après son mariage à l’âge de 18 ans.

Le taux d’alphabétisation en Afghanistan est parmi les plus bas au monde : environ 36 % selon les chiffres officiels, bien moindre encore pour les femmes.