Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Marie, 23 ans, ingénieure, à Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées.

« J’ai eu une scolarité sans souci. Je ne m’étais jamais vraiment posé la question de ce que je voulais faire plus tard, jusqu’en terminale. Etant bonne en sciences, je me suis orientée vers une école d’ingénieurs. Et, comme beaucoup de jeunes, je n’ai pas échappé à la pression familiale. Cela faisait tellement plaisir à mes parents que j’intègre une école d’ingénieurs. J’étais la fierté de ma famille.

La première année a été difficile. Je me suis retrouvée dans une école à 900 kilomètres de chez moi, loin de ma famille et de mes repères. J’ai validé mon année de justesse, je suis donc restée. J’ai eu beaucoup de doutes pendant ces cinq années. Spécialisée en “génie mécanique”, je me suis retrouvée dans des classes avec un fort pourcentage de garçons (quatre filles pour cinquante garçons en moyenne).

Pourtant, une solidarité féminine s’est installée naturellement entre nous. On révisait ensemble, on s’aidait beaucoup pour les cours. En école d’ingénieurs, la solidarité c’est une des clés de la réussite. Néanmoins, certaines d’entre nous se sont réorientées en cours de scolarité, pour de multiples raisons.

« Tu vas te casser un ongle ! »

Les cours n’ont pas été évidents tous les jours : les garçons peuvent parfois être assez durs, mais également les profs (des hommes pour la plupart). Combien de fois ai-je entendu, pendant mes cours d’usinage, “attention, tu vas te casser un ongle !” ou “tu vas te salir !” ? Bizarrement, on ne faisait pas ces réflexions aux garçons.

Les propos sexistes venaient donc de mes camarades, mais également de mes professeurs, notamment un. Je redoutais d’aller en cours avec lui, parce que je savais que j’aurais droit à des remarques sexistes et dévalorisantes. C’était la première fois que j’étais confrontée à cette situation, et je n’étais pas armée pour. Je me demandais ce que je faisais là. Je ne me sentais pas capable de réussir et d’être ingénieure.

J’ai failli abandonner mes études. Je me rappelle être allée voir une psychologue, et la première chose que je lui ai dite, c’était : “Je veux arrêter mes études, mais je ne sais pas comment le dire à mes parents.” Néanmoins, j’ai persévéré et je n’ai rien lâché grâce au soutien infaillible de mes prochesm qui n’ont jamais cessé de m’encourager. Surtout grâce à mes copines !

Aujourd’hui, je suis fière de vous dire que je suis une femme ingénieure. Je ne regrette pas mon parcours, car j’ai beaucoup appris sur moi-même. J’ai appris à croire en moi et en mes capacités. Lorsque je rencontre une difficulté, au lieu de demander directement de l’aide, je réfléchis à comment je vais contourner le problème — cela vaut aussi dans la vie quotidienne, pour ouvrir un couvercle un peu trop vissé.

D’adolescente à adulte

J’ai également appris à être une adulte autonome qui est capable de prendre des initiatives et d’avoir des responsabilités. Je me rappelle du discours du directeur de l’école lors de la rentrée en première année : “Quand vous arrivez à l’école, vous êtes encore des adolescents. Quand vous en sortirez, vous serez des adultes.” Et il avait raison, j’ai grandi pendant ces cinq années.

Actuellement, je fais une thèse, parce que j’ai osé postuler. Je suis très épanouie et j’adore mon travail. Je vais peut-être présenter mes travaux de recherche à une conférence internationale, à Miami (Floride). Un rêve ! Tous ces moments de doutes sont loin derrière moi maintenant. Je suis encore dans un milieu très masculin, mais je me suis endurcie. Je n’ai pas encore assez de répondant pour me défendre face à tous les propos sexistes, mais j’ai appris à prendre du recul face à ces situations et j’ai su tirer de ma différence un avantage.

Je sais à quel point il est difficile de s’imaginer femme ingénieure quand on n’a aucun modèle à qui se référer. C’est pourquoi je me suis engagée dans l’association Elles bougent, qui encourage les jeunes filles à se tourner vers des carrières scientifiques.

Si j’ai bien un conseil à donner, notamment aux jeunes filles, c’est d’oser ! »

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La Zone d’expression prioritaire (ZEP) accompagne la prise de parole des 15-25 ans

La Zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans par des journalistes professionnels. Via des ateliers d’écriture dans des lycées, universités, associations étudiantes ou encore dans des structures d’insertion, ils témoignent de leur quotidien et de l’actualité qui les concernent.

Tous leurs récits sont à retrouver sur la-zep.fr, et, pour la plupart, ci-dessous :

« Le Monde » aide les jeunes à s’orienter vers les études supérieures

En cette période de formulation et de confirmation des vœux d’orientation sur la nouvelle plate-forme d’admission post-bac, Parcoursup, Le Monde Campus propose reportages, décryptages, tchats, à retrouver sur ses sous-rubriques O21, Etudes supérieures et Parcoursup APB.

Pour aider les 16-25 ans, leurs familles et les enseignants à se formuler les bonnes questions au moment d’effectuer les vœux d’orientation, Le Monde organise également les conférences O21/S’orienter au 21e siècle, à Paris (17 et 18 mars), après Nancy, Lille, Nantes et Bordeaux.