Quelques avancées, mais pas de mesure forte ou emblématique susceptible de marquer les esprits : le plan en faveur de la prévention que présentent, lundi 26 mars, le premier ministre, Edouard Philippe, et la ministre de la santé, Agnès Buzyn, à l’occasion d’un comité interministériel pour la santé dans les locaux de Santé publique France, à Saint-Maurice (Val-de-Marne), risque de laisser sur leur faim les acteurs du secteur.

Doté de 400 millions d’euros sur cinq ans, ce dispositif se présente sous la forme d’un catalogue de 25 mesures touchant aussi bien le tabac, l’alcool que la nutrition, le dépistage de certains cancers ou la vaccination contre la grippe. « Une vraie politique de prévention permettrait de préserver près de 100 000 vies par an », fait valoir M. Philippe.

« N’emmerdez pas les Français »

Le chef du gouvernement se sait très attendu sur ce sujet. Pendant la campagne, Emmanuel Macron avait promis de faire de la prévention un axe fort de sa politique de santé. Or, depuis son élection, des signaux contradictoires ont été envoyés.

Le prix du paquet de cigarettes a certes été augmenté en mars (il est désormais à environ 8 euros, avec un objectif de 10 euros à la fin de 2020) et le service sanitaire de trois mois des étudiants en santé a été mis sur les rails, avec des interventions prévues dans les collèges, lycées et universités dès la rentrée 2018.

Mais quant à la réponse à apporter au niveau élevé de la consommation de cannabis en France, c’est le ministère de l’intérieur – et pas celui de la santé – qui a eu la main sur la réforme à venir.

Et sur la question de l’alcool, Agnès Buzyn est apparue bien seule lorsqu’elle a fait valoir, le 7 février, que le vin était un alcool aussi néfaste que les autres. Une prise de position qui lui a valu quelques jours plus tard cette réponse cinglante du chef de l’Etat : « Moi, je bois du vin le midi et le soir. Je crois beaucoup à la formule de Pompidou : “N’emmerdez pas les Français.” »

Mesures bien modestes

Les mesures annoncées lundi paraissent bien modestes pour lutter avec efficacité contre la consommation nocive d’alcool, deuxième cause de mortalité évitable en France, avec 49 000 morts par an, dont 15 000 par cancer. Aucune hausse des budgets de communication sur ce sujet n’est par exemple programmée.

Une augmentation de la taille du pictogramme « interdit aux femmes enceintes » sur les bouteilles d’alcool est toutefois annoncée pour 2019, ainsi qu’une amélioration de la démarche de prévention auprès des jeunes pris en charge aux urgences après une « alcoolisation aigüe ».

Les consultations jeunes consommateurs, les structures destinées à venir en aide aux jeunes de 11 à 25 ans et à leurs familles lorsqu’ils sont confrontés à une consommation de tabac, d’alcool ou de cannabis ou à une pratique problématique (écrans, jeux…) seront renforcées, grâce aux « recettes de l’amende forfaitaire pour usage simple de stupéfiants » qui devrait prochainement être mis en place, sans plus de détails à ce stade.

Pour arrêter le tabac, responsable chaque année de 73 000 morts en France, l’aide au sevrage, qui se limite aujourd’hui à un forfait de 150 euros par assuré et par an, sera progressivement assurée par un remboursement de l’assurance-maladie, comme pour tous les médicaments remboursables. D’autres mesures devraient figurer dans le nouveau plan national de réduction du tabagisme qui devrait être annoncé prochainement.

La vaccination en pharmacie

Parmi les mesures présentées lundi, l’annonce de la généralisation de la vaccination contre la grippe par les pharmaciens volontaires dès 2019. Cet hiver, près de 156 000 personnes ont été vaccinées en pharmacie contre la grippe dans deux régions pilotes (Auvergne-Rhône-Alpes et Nouvelle Aquitaine). Une expérimentation dont les premiers résultats sont aujourd’hui jugés « positifs » par le gouvernement.

En matière de nutrition, le gouvernement souhaite étendre à partir de 2020 à la restauration collective et aux produits non emballés (céréales, gâteaux, bonbons, pain) le « Nutri-Score », le logo qui informe de la qualité nutritionnelle des produits alimentaires manufacturés. Une extension qui se ferait sur la base du volontariat.

La plupart des mesures proposées en novembre 2017 par le Haut Conseil à la santé publique restent en revanche lettre morte : rien sur la régulation de la publicité et du marketing, rien sur la réglementation du contenu des distributeurs, etc. Les nouveaux repères de la politique nutritionnelle de santé publique devraient être présentés dans les prochains mois.

Sans fixer pour l’instant de calendrier à cet objectif, le gouvernement se fixe par ailleurs un taux de 80 % de la population formée aux premiers secours (contre seulement 20 % aujourd’hui). Une campagne de communication devrait enfin être lancée pour informer sur les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé.