Installation de panneaux photovoltaiques sur une maison individuelle d’Oberhoffen-sur-Moder (Bas-Rhin), en mars 2010. | Frederic MAIGROT/REA

Après avoir annoncé, en décembre, un investissement massif dans le développement du solaire, EDF accélère dans les énergies renouvelables. Le groupe français a présenté, mardi 27 mars, un plan de stockage électrique d’envergure, avec l’objectif de devenir le leadeur européen du secteur à l’horizon 2035. Un ensemble de projets représentant 8 milliards d’euros d’investissements sur la période 2018-2035.

L’enjeu est crucial : dans de nombreux pays, pour diminuer les gaz à effet de serre, la production électrique provient de plus en plus d’énergies renouvelables, notamment les éoliennes et les panneaux solaires. La capacité à conserver l’électricité produite lorsque le vent souffle ou le soleil brille, afin de pouvoir la réinjecter sur le réseau lorsque les besoins sont plus importants, est donc déterminante pour la stabilité du réseau électrique.

La logique est assez simple : il s’agit de stocker l’électricité lorsqu’elle est abondante et peu chère pour la réutiliser lors des pics de consommation. Jusqu’ici, la manière la plus efficace était d’utiliser les barrages hydroélectriques. Plus spécifiquement, les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), qui permettent de pomper de l’eau lorsque l’électricité est peu chère et d’en produire selon les besoins.

Une giga-batterie de secours

Mais, depuis cinq ans, c’est dans le domaine des batteries que se joue la bataille technologique et économique au niveau international. Même si les voitures électriques représentent aujourd’hui moins de 1 % des véhicules circulant dans le monde, les constructeurs automobiles anticipent tous un virage massif vers l’électrique. Cette tendance a entraîné une course à l’innovation, qui porte soit sur l’amélioration de technologies existantes (comme le lithium-ion), soit sur de nouveaux procédés.

C’est précisément ce qu’entend faire EDF avec son plan de stockage. Au niveau international, le groupe français veut pouvoir équiper de batteries des réseaux électriques dont la production est parfois insuffisante. Une giga-batterie de secours, en quelque sorte.

C’est, par exemple, ce type d’installation que Tesla a mis en place pour 31 millions d’euros dans l’Etat australien de l’Australie-Méridionale, en novembre, en lien avec un parc éolien opéré par le groupe français Neoen. Ce système peut prendre le relais pendant trois heures en cas d’absence de vent, afin de limiter les coupures.

« Lisser l’intermittence des énergies renouvelables »

Ce type de dispositif devrait représenter l’essentiel en matière d’investissements pour le groupe EDF dans le cadre du plan de stockage. L’électricien n’investira pas lui-même sur ses fonds propres, mais s’appuiera sur des partenaires industriels et financiers, comme il le fait déjà dans le secteur des énergies renouvelables, avec sa filiale EDF Energies nouvelles (EDF EN). Comme dans le secteur des renouvelables, l’essentiel de ces investissements devrait être réalisé hors de France.

« Les progrès significatifs qui ont été réalisés en matière de stockage permettent de lisser l’intermittence des énergies renouvelables et de les rendre plus pilotables », explique au Monde le PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy.

C’est notamment la baisse spectaculaire du coût des batteries qui permet d’accompagner un tel développement. Leur prix a diminué de 80 % entre 2010 et 2017, selon une étude du cabinet Bloomberg New Energy Finance, et pourrait encore reculer de manière radicale dans les prochaines années. Mais l’usage de métaux rares, la domination chinoise sur le marché et la compétition internationale font peser des risques sur ce segment en plein développement.

« Une vraie attente sociale pour l’autoconsommation »

Un autre volet du plan devrait, lui, concerner plus directement la France : EDF veut consacrer près de 40 % de son effort au marché des clients particuliers, des entreprises et des collectivités qui produisent eux-mêmes de l’électricité et souhaitent pouvoir la stocker. « Il y a une vraie attente sociale pour l’autoconsommation », note M. Lévy.

L’idée est de proposer à celles et ceux qui possèdent déjà des panneaux photovoltaïques sur leur toit de se doter d’une batterie, qui pourrait ensuite être couplée de manière intelligente avec un véhicule électrique. Un dispositif encore complexe à mettre en œuvre aujourd’hui : la réglementation française encourage plutôt la revente de l’électricité produite par les particuliers que le stockage.

Cette annonce d’EDF intervient dans un contexte particulier : le débat public sur la révision de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) doit dessiner la feuille de route énergétique de la France, en particulier la trajectoire de développement des énergies renouvelables et de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité.

« Urgence climatique »

En se faisant, par son plan solaire et son plan de stockage électrique, le chantre de la transition énergétique, EDF cherche à répondre à la demande expresse de Nicolas Hulot. Ces derniers mois, le ministre de la transition écologique et solidaire a appelé plusieurs fois le groupe, détenu à 83 % par l’Etat, à s’engager plus fermement dans les énergies renouvelables. « L’urgence climatique nous impose de trouver des solutions industrielles et compétitives », assure le patron d’EDF.

Mais c’est aussi l’occasion pour EDF de ne pas laisser passer le train des batteries. Alors que de nouveaux acteurs, venus de l’industrie automobile ou du numérique, s’emparent du dossier, le groupe français veut montrer qu’il conserve toute sa place dans le secteur. Dans le cadre de son plan, il a d’ailleurs décidé de doubler ses efforts de recherche et développement sur le sujet pour passer à 70 millions d’euros sur la période 2018-2020.