Sur le stand de Huawei au Congrès mondial de la téléphonie mobile (Mobile World Congress), le 26 février, à Barcelone. / PAU BARRENA / AFP

Ce n’est pas tous les jours que Paris accueille le lancement mondial d’un smartphone. Pour l’occasion, le chinois Huawei, troisième constructeur mondial, a vu les choses en grand, mardi 27 mars, en réquisitionnant le Grand Palais pour accueillir environ 2 000 invités, dont 1 500 journalistes. La marque devait dévoiler deux nouveaux modèles, le P20 et le P20 Pro, appelés à concurrencer le haut de gamme de Samsung (Galaxy S9) et d’Apple (iPhone 8).

Au-delà des symboles – voire des clichés –, Paris aurait été choisie pour les valeurs de « luxe et de “lifestyle” [style de vie] » qu’elle véhicule et auxquelles Huawei veut associer ses produits. Ce choix témoigne de l’importance que le géant de Shenzhen porte au marché français, et plus largement européen, où il consolide ses positions.

Profitant de bonnes relations avec les opérateurs télécoms, avec qui il est en affaires depuis longtemps dans les infrastructures, un autre pan de son activité, Huawei a réussi en quelques années à se tailler des parts de marché importantes sur le Vieux Continent. La marque revendique la place de leader en volume en Espagne et en Italie, et occupe la troisième place en France.

Au niveau européen, le groupe, numéro un en Chine, se positionne sur la troisième marche du podium, avec 13,5 % de parts de marché. « L’Europe est le plus grand marché étranger de Huawei depuis 2013, témoigne Mo Jia, du cabinet Canalys. En 2017, près d’un téléphone Huawei sur cinq a été expédié en Europe. »

Surtout, l’Europe lui a permis de se forger au niveau international une image de constructeur haut de gamme, rivalisant avec Samsung et Apple, soit sur les segments les plus rentables du marché. C’est en Europe de l’Ouest que la marque parvient à obtenir son meilleur prix moyen de vente par appareil, faisant de cette zone « son marché le plus rentable », affirme Annette Zimmermann, analyste chez Gartner.

Déconvenues aux Etats-Unis

Le succès du lancement du Mate 10 Pro (799 euros au départ), en novembre, l’a conforté dans sa conviction qu’il était aujourd’hui légitime sur ce segment de marché. « Nous avons de grandes opportunités sur le haut de gamme en France et en Allemagne », confirme Alex Huang, le patron pour la France de la division grand public de la marque.

Le marché européen est d’autant plus capital pour Huawei qu’il a connu de nouvelles déconvenues dans ses velléités de percer aux Etats-Unis. Début janvier, le constructeur chinois était sur le point de conclure un accord avec l’opérateur américain AT&T. Mais ce dernier s’est rétracté au dernier moment. Une décision qui semble avoir été dictée par la pression exercée par les commissions du renseignement du Sénat et de la Chambre des représentants. Celles-ci s’inquiétaient, le 20 décembre 2017, de « l’espionnage chinois en général, et [du] rôle de Huawei en particulier dans cet espionnage ».

Dans la foulée, Verizon a annoncé qu’il n’envisageait plus de travailler avec le groupe chinois, provoquant l’exaspération du patron de la division mobile de Huawei, Richard Yu : « C’est un grave revers pour nous, car on sait que, aux Etats-Unis, 90 % des ventes se font par l’intermédiaire des opérateurs », avait-il déclaré au salon de l’électronique grand public (CES) de Las Vegas, en janvier.

Faute de pouvoir exister de manière significative sur le marché américain, Huawei doit donc impérativement continuer à progresser en Europe, s’il veut, comme le rappelle Dominic Sunnebo, du cabinet Kantar, « devenir le premier constructeur mondial de smartphone en 2021, objectif qu’il s’est fixé ». D’autant que, pour l’analyste, les consommateurs européens « ont montré plus de propension à essayer une alternative au duopole Samsung-Apple ».

Bien conscients de cette opportunité, d’autres constructeurs chinois nourrissent des ambitions nouvelles sur le Vieux Continent. Dernier en date, Xiaomi a ouvert ses premiers magasins en Espagne, en novembre 2017. En à peine trois mois, il a réussi à y écouler un demi-million d’appareils.