Le Centre hospitalier régional universitaire de Tours, en janvier 2017. / GUILLAUME SOUVANT / AFP

Comment lutter contre la désertification médicale dans la région Centre-Val de Loire ? En essayant de créer un vivier local de futurs médecins. C’est le pari que fait l’académie d’Orléans-Tours avec le dispositif « Ambition PACES ». Lancé en collaboration avec l’agence régionale de santé, la faculté de médecine de Tours et la région Centre-Val de Loire, il permettra à quatorze lycées de la région de proposer à des élèves de la série scientifique une initiation à la première année commune aux études de santé (PACES), qui donne accès aux cursus de médecine, dentiste, pharmacie, sage-femme, kinésithérapeute, etc.

« Certains départements de la région manquent cruellement de médecins », rappelle Katia Béguin, la rectrice de l’académie : on y décomptait, en 2016, 331 médecins pour 100 000 habitants, au lieu de 421 en moyenne en France. La situation est particulièrement compliquée dans l’Indre et le Cher, avec respectivement 254 et 281 médecins pour 100 000 habitants.

Autocensure

Pour remédier à cette désertification, « nous pensons que les jeunes praticiens qui sont originaires de ces territoires auront plus de chances de s’y installer après leurs études », explique-t-elle. Ce qui nécessite de lutter contre l’« autocensure » des bons bacheliers scientifiques de ces départements. « Les études de médecine sont fortement marquées par la reproduction sociale » rappelle la rectrice : les jeunes de milieux plus modestes, « n’ayant pas de médecins dans leur entourage », ne s’y orientent pas spontanément.

Inspirée d’une autre expérimentation menée dans l’académie d’Amiens depuis 2014, le dispositif « Ambition PACES » permettra donc à quatorze lycées des zones rurales ou urbaines sensibles de la région de proposer à une vingtaine d’élèves volontaires de première et de terminale scientifique une initiation aux études de santé.

A raison d’une heure trente par semaine, prise sur les deux heures d’accompagnement hebdomadaire personnalisé prévues au lycée, les élèves pourront découvrir les métiers auxquels permet d’accéder la PACES. Mais aussi se familiariser avec les méthodes de travail de cette première année, qui se termine par un concours extremement sélectif : prise de note rapide, travail en binôme, questionnaires à choix multiples (QCM), etc. Cette initiation, portée par les enseignants de mathématiques, physique-chimie et sciences de la vie et de la Terre, s’accompagnera en terminale d’une introduction à certaines notions du programme de PACES. Des vidéos avec des extraits de cours en amphithéâtre sont en cours d’élaboration par la faculté de médecine de Tours.

Dans le cadre de cette « préparation de service public », selon les mots de la rectrice, des étudiants du tutorat de la faculté de médecine de Tours seront aussi mobilisés « pour accompagner individuellement » des élèves.

Préparer les élèves au rythme de travail

Reste à savoir si le dispositif réussira à atteindre les multiples objectifs qui lui sont assignés : créer des vocations en démythifiant la PACES, préparer les élèves au rythme de travail, mais surtout créer un vivier local de futurs médecins qui auront envie de rester dans la région. Le doyen de la faculté de médecine de Tours, Patrice Diot, est confiant : « Comme d’autres, je fais l’hypothèse que des jeunes avec un profil différent seront peut-être plus attachés aux territoires dont ils sont originaires. »

Et de rappeler qu’aujourd’hui, sur 1 500 élèves inscrits en PACES à la faculté de médecine de Tours, les deux tiers sont issus du Loiret et d’Indre-et-Loire, les quatre autres départements de la région (Cher, Eure-et-Loire, Indre, Loire-et-Cher) ne fournissant que le dernier tiers. La majorité de ces étudiants de PACES ont un « profil stéréotypé » : « surtout des femmes, à 98 % titulaires d’un bac scientifique avec mention “bien” ou “très bien”, issues d’une famille CSP + ». Et, après les épreuves d’internat de sixième année et le choix d’une spécialité, ils quittent bien souvent la région.

Patrice Diot, qui est aussi président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), a donc accueilli avec entrain l’initiative de l’ARS et du rectorat et son double objectif : « Lutter contre les déserts médicaux et diversifier le profil sociologique des jeunes médecins. » Une problématique qui est d’ailleurs au cœur de la démarche « Initiative territoire », portée depuis 2017 par le Conseil national de l’ordre des médecins et la Conférence des doyens des facultés de médecine.

Si les résultats sont au rendez-vous, la rectrice de l’académie d’Orléans-Tours envisage déjà de demander la labellisation d’« Ambition PACES » en « Cordées de la réussite », dispositif visant à favoriser l’accès à l’enseignement supérieur de jeunes quel que soit leur milieu socio-culturel.

14 lycées partenaires d’Ambition PACES en 2018

  • Indre : Pierre-et-Marie-Curie et Jean-Giraudoux à Châteauroux. Balzac-d’Alembert à Issoudun
  • Cher : Marguerite-de-Navarre, Alain-Fournier er Jacques-Cœur, à Bourges. Édouard-Vaillant à Vierzon
  • Eure-et-Loir : Rotrou à Dreux et Silvia-Montfort à Luisant
  • Indre-et-Loire : Thérèse-Planiol à Loches
  • Loir-et-Cher : Camille-Claudel et Dessaignes à Blois
  • Loiret : Bernard-Palissy à Gien et Durzy à Villemandeur.