Les abonnés européens aux services numériques,, comme celui de streaming musical Deezer, pourront les utiliser dans tous les pays de l’Union. / LIONEL BONAVENTURE / AFP

Ce n’est pas tous les jours que la Commission européenne fait une annonce vraiment parlante pour les citoyens de l’Union. La commissaire au digital Mariya Gabriel est donc descendue en salle de presse de l’institution bruxelloise, mardi 27 mars, pour confirmer l’effectivité au 1er avril de la « portabilité des services numériques ».

Les abonnés à Spotify, Netflix et autres sites de vidéo à la demande pourront continuer à accéder à ces services lors de leurs voyages internationaux, à condition qu’ils soient citoyens européens et qu’ils se déplacent, temporairement, dans un autre pays de l’Union européenne (UE). Ils devront pouvoir justifier qu’ils ne sont qu’en transit : les fournisseurs de services auront les moyens de vérifier leur adresse IP et/ou certification de résidence.

Le législateur voulait de fait éviter un effet d’aubaine qui conduirait les utilisateurs à s’abonner dans les pays où les services en ligne sont le moins chers. Les Français, très soucieux du droit d’auteur, militaient pour que soit fixée une limite temporelle à la portabilité des services. Le Parlement et le Conseil européen (les Etats membres) n’ont pas retenu cette option.

Une vraie avancée pour les consommateurs

Il s’agit en tout cas d’une vraie avancée pour les consommateurs du Vieux Continent, même si elle ne devrait dans un premier temps concerner que des « millenials » à fort pouvoir d’achat : des fonctionnaires européens, par exemple, bien payés, et sillonnant constamment l’Europe. Elle vient après la fin du roaming, les surtaxes aux appels internationaux (le 15 juin 2017), et avant celle du géoblocking, effective d’ici fin 2018, qui empêchera les cybermarchands de discriminer les clients d’autres pays membres que le leur.

Autre moment fort de l’agenda européen, allant lui aussi dans le sens du renforcement du pouvoir des citoyens : l’entrée en force du règlement sur la protection des données personnelles (RGPD), le 25 mai prochain. Ce texte, très attendu au moment où le scandale Cambridge Analytica défraye la critique, leur donnera théoriquement bien davantage de contrôle sur leurs informations en ligne.

Après avoir enfin osé proposer de taxer les géants du Web, devenus des champions de l’évitement fiscal, la commission devrait aussi rendre publique, fin avril, une proposition de régulation des plates-formes du Web, visant à rééquilibrer la relation, très inégale, entre Google, Apple et autres Facebook, et les PME sur le Net. Il s’agira d’éviter par exemple qu’une société ne soit brutalement déréférencée d’un moteur de recherches sans raison valable ni possibilité d’engager un recours.

« Territorialité des droits »

La commission Juncker, qui nourrissait de grandes ambitions pour le « marché unique » du numérique, a en revanche du mal à faire adopter deux textes pourtant jugés fondamentaux : celui sur la modernisation du droit d’auteur, et un autre sur les services audiovisuels (le règlement câble-satellite). Le premier, un projet de directive, a été rendu public en septembre 2016, mais son examen au Parlement européen, et en parallèle au Conseil, n’a toujours pas abouti. La Commission espère encore une adoption définitive avant fin 2018.

Les associations d’ayants droit, notamment françaises, bataillent pied à pied, redoutant une modernisation sans discernement qui fragiliserait encore plus les sources de revenus des auteurs. Les éditeurs de presse, spécialement allemands, espèrent quant à eux obtenir un « droit voisin », c’est-à-dire la possibilité de réclamer des droits auprès des plates-formes qui référencent les articles de leurs journalistes.

La discussion autour du règlement « câble-sattelite » est plus avancée : elle en est au stade des pourparlers entre le Parlement de Strasbourg et le Conseil européen. Mais les négociateurs butent encore sur une disposition cruciale, la « territorialité des droits ». La Commission tenait à ce que des contenus numériques financés dans un pays membre puissent être diffusés ailleurs dans l’Union sans avoir à s’acquitter de droits de diffusion dans ces Etats. Mais là encore, les acteurs traditionnels, cinéma et TV, font de la résistance.