C’était loin d’être gagné. Un grand pas a pourtant été ­franchi, mardi 27 mars, lors du 17e comité des signataires de l’accord de Nouméa, dans l’organisation de la consultation qui aura lieu le 4 novembre en Nouvelle-Calédonie. A l’issue d’une réunion commencée à 9 heures et qui s’est achevée dans la nuit, à 1 h 30, l’ensemble des participants s’est accordé sur la formulation de la question qui sera posée aux quelque 170 000 électeurs appelés à prendre part au scrutin : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Un compromis qui doit beaucoup à l’investissement personnel du premier ministre, Edouard Philippe.

Mais que ce fut laborieux ! Du fait, notamment, des surenchères qui divisent le camp des non-indépendantistes et qui avaient ­conduit les représentants des deux formations rivales proches de LR, Le Rassemblement-LR de Pierre Frogier et Les Républicains calédoniens de Sonia Backès, à quitter avec fracas le groupe de travail baptisé « Sur le chemin de l’avenir » mis en place après la venue de M. Philippe en Nouvelle-Calédonie, en décembre 2017, pour préparer l’après-référendum.

Purger les contentieux

Il a donc fallu purger les motifs de contentieux entre les différentes sensibilités de la droite dure et de la droite modérée pour renouer les fils du dialogue. « Il y a entre les non-indépendantistes un marquage entre eux », note l’indépendantiste Victor Tutugoro, un des signataires de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998. « Parfois, il a fallu refroidir les soupapes quand ça montait dans les tours », reconnaît ­Philippe Gomès, chef de file de la principale formation non-indépendantiste, Calédonie ensemble.

Là aussi, toutefois, le chef du gouvernement a su ramener les uns et les autres à la raison. « Le dialogue doit se poursuivre, explique-t-il. Il existe un socle de pratiques, de principes, de valeurs qui unissent la société calédonienne et qu’il convient de définir. » Il devait ainsi réunir et présider dès mercredi après-midi le groupe de travail et proposer de nouvelles modalités de fonctionnement, dans l’espoir de finaliser une « charte des valeurs calédoniennes ».

Ceci évacué, restait à régler la « question de la question », ce qui a mobilisé les participants pendant plus de sept heures, assorties de deux interruptions de séance. Chacun a d’abord exprimé ses positions et fait part de ses propositions, s’accrochant à son totem. Pour les indépendantistes, la référence à la « pleine souveraineté » telle que prévue au titre IX de l’accord de Nouméa. Pour une partie de la droite loyaliste, un choix clair entre l’« indépendance » ou le « maintien dans la France »…

Après une première suspension de séance et après avoir réuni dans son bureau les chefs de file des délégations, le premier ministre a lui-même formulé sept propositions de question et les a mises en débat. Jusqu’à aboutir à cette formulation de compromis, qui concilie « pleine souveraineté » et « indépendance », et que les membres du comité des signataires considèrent, dans le relevé de conclusions, « conforme aux principes de clarté, de loyauté et de sincérité ». Elle a de surcroît « un sens politique conforme à l’accord de Nouméa », ajoutent-ils.

« Toutes les formations poli­tiques ont donné leur accord, au nom de l’intérêt général, se félicite M. Gomès. On aurait été lamen­tables d’arriver au référendum sans être capables de se mettre d’accord sur le libellé de la question. » Pour une fois, Mme Backès va dans le même sens : « On n’est déjà pas d’accord sur la réponse. Si on n’arrive pas à se mettre d’accord sur la question, ça devient un peu compliqué. » Roch Wamytan, chef du groupe UC-FLNKS, se réjouit également de ce dénouement : « On est quand même arrivés à un ­résultat. Le sujet, maintenant, est derrière nous. »

« Succès personnel »

M. Philippe, lui, a tenu à souligner « l’esprit de responsabilité qui anime tous les membres de ce comité », insistant sur « la force et la fragilité d’un processus historique et exceptionnel ». Tous les acteurs, indépendantistes et non-indépendantistes, ont salué le rôle déterminant joué par le premier ministre pour parvenir à un consensus loin d’être évident, voire inespéré, au départ. « Il a joué un rôle important, en mettant chacun devant ses responsabilités », note M. Wamytan. « Le premier ministre, une nouvelle fois, a apporté sa patte, abonde M. Gomès. C’est aussi un succès personnel pour lui. »

L’accord sur la question posée au référendum, après celui acquis lors du précédent comité des ­signataires, en novembre 2017, sur la composition du corps ­électoral, déblaie singulièrement le terrain avant la visite d’Emmanuel ­Macron prévue début mai en Nouvelle-Calédonie. Même si les tensions restent vives. La question doit à présent être soumise au Conseil d’Etat en vue de l’examen du décret de convocation des électeurs.