Des manifestants se sont réunis à la mairie de Sacramento pour dénoncer le meurtre de Stephon Clark, abattu d’une vingtaine de tirs par des policiers le 18 mars. / Rich Pedroncelli / AP

Ils ont fait de son nom un slogan. « Stephon Clark ! Stephon Clark ! » Le cri a retenti, mardi 27 mars, à la mairie de Sacramento, où une centaine de manifestants ont fait irruption pour réclamer justice pour le jeune homme, abattu par la police le 18 mars alors qu’il se trouvait dans le jardin de sa grand-mère, dans cette ville du centre de la Californie.

« Stephon Clark ! Stephon Clark ! » Le nom résonnait dans les rues, à la veille des obsèques de la victime, prévues jeudi 29 mars à l’église Bayside de South Sacramento. Les manifestants ont bloqué la circulation et fait le siège du bureau de la procureure locale Anne Marie Schubert, accusée de couvrir les bavures policières. « Vingt-deux personnes tuées par des policiers depuis 2015. Aucune poursuite en justice », dénonce le groupe antiraciste Black Lives Matter de Sacramento.

Stephon Clark : un nouveau nom à ajouter à la liste des jeunes Noirs tués aux Etats-Unis par des policiers qui se croyaient menacés, de Michael Brown à Tamir Rice, de Philandro Castille à Eric Garner ou Freddie Gray. Black Lives Matter a recommandé de « dire » les noms des victimes et de les répéter, pour lutter contre l’indifférence et la déshumanisation. C’est ce qu’ont fait les joueurs de l’équipe de basket-ball des Kings de Sacramento dans une vidéo, diffusée dans le stade. « Stephon Clark. Dites son nom », invite Kosta Koufos, l’un des athlètes. « Ces tragédies doivent cesser. »

Une vingtaine de tirs

Stephon Clark avait 22 ans, et il était père de deux garçons de 1 et 3 ans. Le soir du 18 mars, il se trouvait chez ses grands-parents dans le quartier de Meadowview, à Sacramento, 500 000 habitants, la capitale administrative de la Californie. La police avait reçu un appel signalant des vitres cassées dans les voitures garées dans la 29e rue et un suspect, vêtu d’un sweat-shirt à capuche. Deux agents se sont mis en chasse, guidés par un hélicoptère du shérif du comté, comme s’il s’agissait d’une opération de guerre. Du ciel, les agents ont signalé un homme portant un pied-de-biche.

Les agents au sol ont repéré Stephon Clark, alors qu’il se trouvait dans le jardin à l’avant de la maison de crépi jaune au soubassement de briques où vivent ses grands-parents. Le jeune homme s’est dirigé vers l’arrière. Il était 21 h 18 et il faisait nuit. Une petite fille de 7 ans dormait sur un canapé dans la maison.

Selon les images des body-cam, les caméras portées par les policiers, ceux-ci ne s’identifient pas. L’un lance : « Montre tes mains ! » Puis on entend son exclamation : « Arme, arme ! » crie-t-il. Les policiers tirent à une vingtaine de reprises. En fait de pied-de-biche, le seul objet qui a été retrouvé sur place est un téléphone portable. Dernier élément sonore : une voix conseille aux agents d’éteindre leur caméra témoin.

« Pourquoi vous ne l’avez pas blessé au bras ou à la jambe ? Pourquoi vous n’avez pas envoyé les chiens ? », Sequita Thompson, la grand-mère de Stephon Clark,

Les policiers sont persuadés que Stephon Clark était l’auteur des casses de voitures dans le quartier. Selon son frère Stevante, il était sorti un mois plus tôt de la prison du comté où il avait fait un séjour pour violence domestique. Il avait été condamné en 2008 pour vol. Mais il n’était pas armé au moment des faits et les policiers ont déchargé leurs armes à plus de dix reprises. « Pourquoi vous ne l’avez pas blessé au bras ou à la jambe ? Pourquoi vous n’avez pas envoyé les chiens, utilisé les Taser ? Pourquoi vous avez fait ça ? », a interpellé Sequita Thompson, la grand-mère de Stephon Clark, lors d’une conférence de presse, en présence de Ben Crump, l’avocat de Trayvon Martin, abattu à 17 ans en Floride en 2014.

Aucune sanction jusqu’à présent

Les familles voient une nouvelle fois se reproduire le cycle de la non-justice. Le commissariat de Sacramento n’a pas rendu public les noms des policiers meurtriers, mais les avocats qui ont pu les identifier ont rapporté que les agents n’avaient que deux et quatre ans d’expérience. Plus de dix jours après les faits, aucune sanction n’avait été prise à leur encontre, sinon de les placer en congé administratif, en attendant les conclusions de l’enquête interne. Les résultats de l’autopsie n’ont pas été révélés.

L’attorney général de Californie, Xavier Becerra, a pris les devants : il est venu lui-même annoncer que les services de l’Etat allaient se substituer à la justice locale et superviser l’enquête. Mais Black Lives Matter réclame une enquête indépendante. A l’été 2016, quand deux policiers avaient tué – de 18 balles – Joseph Mann, un Afro-Américain souffrant de problèmes psychiatriques, il avait fallu quinze mois à la police de Sacramento pour conclure son enquête interne.

Sur les conseils de la municipalité, la procureure Anne-Marie Schubert n’avait pas ouvert d’information criminelle. A San Francisco, la justice n’a pas encore décidé des suites à donner à la mort de Mario Woods abattu de 20 balles en décembre 2015. En Louisiane, l’attorney général a décidé le 27 mars de ne pas poursuivre les deux policiers responsables de la mort d’Alton Sterling, 37 ans, en juillet 2016, devant le magasin de Baton Rouge où il vendait des CD. « Le nom de Stephon Clark survivra », a promis son frère.