Affaire des écoutes : ce qui est reproché à Nicolas Sarkozy
Affaire des écoutes : ce qui est reproché à Nicolas Sarkozy
Par Les Décodeurs
Renvoyé devant un tribunal correctionnel, l’ancien chef de l’Etat est soupçonné d’avoir voulu influencer un haut magistrat pour obtenir une décision favorable de la Cour de cassation dans une de ses affaires.
Nicolas Sarkozy, alors président de la République, en décembre 2009 à Bruxelles. / GEORGES GOBET / AFP
Nicolas Sarkozy sera jugé devant un tribunal correctionnel dans l’affaire des écoutes, révèle Le Monde jeudi 29 mars. L’ancien président de la République est soupçonné de « corruption active » et « trafic d’influence ».
Le résumé de l’affaire : Il est suspecté d’avoir tenté d’obtenir d’un magistrat à la Cour de cassation, Gilbert Azibert, des informations le concernant couvertes par le secret. En échange, Nicolas Sarkozy aurait promis d’intervenir en faveur du magistrat pour qu’il obtienne un poste de prestige à Monaco.
Qui est poursuivi :
- Nicolas Sarkozy (« corruption active » et « trafic d’influence »)
- Son avocat, Thierry Herzog (« corruption active », « trafic d’influence » et « violation du secret professionnel »)
- L’ancien magistrat Gilbert Azibert (« corruption active », « trafic d’influence » et « violation du secret professionnel »)
Explications en 4 questions sur cette affaire débutée en 2013 et dérivée de celle sur un possible financement libyen en 2007, dans laquelle M. Sarkozy a été mis en examen le 21 mars.
- Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il été mis sur écoute ?
- Qu’ont révélé ces écoutes ?
- Pourquoi les agendas de Nicolas Sarkozy sont-ils si importants ?
- La justice avait-elle le droit d’écouter les conversations d’un avocat et de son client ?
1. Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il été mis sur écoute ?
L’ancien président de la République est menacé par plusieurs affaires. Parmi elles figure celle concernant un supposé financement de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy par des fonds libyens provenant de la famille Kadhafi.
Le 19 avril 2013, le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X pour « corruption active et passive », « trafic d’influence », « faux et usage de faux », « abus de biens sociaux » et « blanchiment, complicité et recel de ces délits ». Deux juges, Serge Tournaire et René Grouman, ont instruit ce dossier.
Le 7 mars 2014, Le Monde a révélé que Nicolas Sarkozy, ainsi que Claude Guéant et Brice Hortefeux, qui furent ses ministres de l’intérieur, avaient été mis sur écoute dans le cadre de cette information judiciaire.
2. Qu’ont révélé ces écoutes ?
Le 11 mars 2014, la Cour de cassation se prononçait sur un recours déposé par Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’Etat souhaitait que ses agendas ne soient pas versés aux dossiers sur l’enquête sur l’affaire Bettencourt, puis sur l’affaire Tapie-Lagarde (voir ci-dessous).
Les informations récoltées lors des écoutes suggèrent que Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, ont pu bénéficier en amont de cette décision de la complicité d’un haut magistrat, Gilbert Azibert. Selon les documents brandis par la ministre de la justice, Christiane Taubira, lors d’une conférence de presse en mars 2014, M. Azibert aurait notamment « rencontr [é] un par un » deux à trois collègues appelés à se prononcer sur le pourvoi de Nicolas Sarkozy, afin de leur « expliquer » « avant qu’ils ne délibèrent ».
Mediapart a publié en mars 2014 une nouvelle série de révélations extraites des synthèses des écoutes. Elles tendent à confirmer que M. Sarkozy et son avocat avaient plusieurs soutiens, tant dans la justice que dans la haute administration policière, dont le fameux juge Azibert. M. Sarkozy aurait également évoqué une personne qui l’aurait renseigné sur les avancées de la justice dans l’affaire des soupçons de financements libyens de sa campagne de 2007.
Par ailleurs, « Monsieur Thierry Herzog aurait pu être renseigné », tant « sur la surveillance des téléphones de Nicolas Sarkozy » que sur l’éventualité « d’une perquisition » dans le cadre du dossier libyen. Un acte, s’il était avéré, extrêmement grave pour la défense de M. Sarkozy. Le Monde révèle aussi que, craignant d’être écouté, M. Sarkozy avait pris un second téléphone sous un faux nom.
3. Pourquoi les agendas de Nicolas Sarkozy sont-ils importants ?
Les écoutes judiciaires de Nicolas Sarkozy ont placé les agendas de l’ancien président au centre de l’attention. Les soupçons de « trafic d’influence » à l’encontre de M. Sarkozy découlent en effet de ses interventions présumées en amont d’une décision très attendue de la Cour de cassation sur ces agendas, le 11 mars.
L’ancien chef d’Etat s’est pourvu en cassation. Les magistrats de la plus haute juridiction devaient dire si la saisie de ses agendas par la justice était illicite, car couverts par l’immunité présidentielle. Une décision qui n’avait aucun impact sur l’affaire Bettencourt, dans laquelle Nicolas Sarkozy a bénéficié d’un non-lieu le 7 octobre 2013.
En revanche, elle aurait pu faire tomber un pan entier de procédure dans l’affaire Tapie-Crédit lyonnais, dans laquelle Nicolas Sarkozy est soupçonné d’être intervenu en faveur de l’homme d’affaires. Le juge Gentil, chargé à Bordeaux de l’affaire Bettencourt, a en effet transmis en janvier 2013 ces agendas aux magistrats qui enquêtent sur l’affaire Tapie. Or, ceux-ci font apparaître que Nicolas Sarkozy a rencontré à plusieurs reprises Bernard Tapie sur la période clé 2007-2008, ainsi que Pierre Mazeaud, l’un des trois arbitres choisis pour trancher le litige. Ils constituent donc le principal élément à charge des juges contre l’ancien président dans ce dossier.
Les agendas pourraient également être utilisés dans le cadre de l’enquête sur un éventuel financement de la campagne présidentielle de 2007 par la Libye de Mouammar Kadhafi.
Finalement, malgré les interventions supposées du juge Azibert auprès de ses collègues magistrats, la Cour de cassation a rendu en mars 2014 une décision défavorable à Nicolas Sarkozy. Elle a jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur ce pourvoi, dans la mesure où l’affaire Bettencourt était close en ce qui le concernait. Les agendas pourront donc être conservés et utilisés par la justice.
4. La justice avait-elle le droit d’écouter les conversations d’un avocat et de son client ?
Oui, mais à deux conditions, car les avocats bénéficient d’une protection particulière, au nom du secret professionnel :
L’avocat doit être lui-même soupçonné d’avoir commis une infraction (sinon, ses propos ne pourront ni être consignés dans les procès-verbaux, ni être retenus contre lui) ;
Son bâtonnier doit en être informé.
La Cour de cassation a validé en mars 2016 la validité des écoutes policières, reconnaissant ainsi que les enquêteurs avaient le droit d’écouter ces conversations entre un avocat et son client.
Trafic d'influence : Nicolas Sarkozy toujours mis en examen
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