Mais où les poules en chocolat qui trôneront, le dimanche de Pâques, sur les tables familiales, pondent-elles leurs œufs ? Sur la chaussée, est-on tenté de répondre, en observant l’état de la voirie en ce début de printemps. Alors que nombre de ses administrés se plaignent des nids-de-poule, la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS), a demandé, vendredi 30 mars, à la direction de la voirie et des déplacements de « traiter au plus vite ces désordres ».

Mais, au risque de décevoir nos lecteurs qui vivent et se déplacent uniquement à l’intérieur du périphérique, les trous dans la chaussée ne concernent pas seulement la capitale. C’est même un phénomène très général, à la sortie de l’hiver. Il suffit de lire la presse régionale pour s’en convaincre. Même si partout, immanquablement, il se trouve quelqu’un pour affirmer que la dégradation de la voirie est une spécificité locale.

A Rouen, à Toulouse, à Romilly-sur-Seine (Aube) ou encore à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), les automobilistes, conducteurs de deux-roues ou de vélos se plaignent de l’état des routes et réclament de leur maire une intervention urgente. A Montréal et dans le reste du Canada, les nids-de-poule constituent même un sujet de débat récurrent qui anime la vie politique.

Les nids-de-poule ne sont pas une fatalité

A Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), l’état de la voirie a échauffé les esprits lors du conseil municipal du 12 mars, le maire, Jeanny Lorgeoux (PS), estimant que l’absence de réfection de la chaussée était imputable aux services du département, longtemps dirigé par son adversaire politique Maurice Leroy (UDI).

Au-delà de ses dérives clochemerlesques, le sujet demeure préoccupant. Les trous dans la chaussée réclament une attention soutenue des conducteurs et peuvent causer des accidents, en particulier dans certaines circonstances. Sous la pluie, les trous se remplissent d’eau et il est impossible d’évaluer leur profondeur. La nuit, sur un deux-roues, motorisé ou non, et même avec un éclairage réglementaire, on ne repère pas toujours les imperfections de la chaussée.

Les nids-de-poule ne sont pas une fatalité, mais s’expliquent largement par la situation météorologique que l’on connaît à la sortie de l’hiver. Lorsqu’il pleut, l’eau s’infiltre dans les fissures de la chaussée, y compris les plus petites, et stagne au-dessous, la fragilisant. Le gel fait gonfler la faille et cause des ramifications à la surface du bitume, qui s’effrite au dégel. Le passage répété des véhicules, surtout les bus et les poids lourds, finit par creuser de véritables trous. Et le phénomène se répète à chaque nouveau cycle de gel et dégel.

Pluie, neige et crue

L’hiver 2018, avec sa succession d’épisodes pluvieux, neigeux et glacés, a été fatal pour le revêtement de nombreuses rues et routes. Dans certaines villes d’Ile-de-France, la crue de la Seine, qui a duré plusieurs semaines entre le début du mois de janvier et la mi-février, a aggravé la situation. A Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne), on observe des trous de 20 centimètres de profondeur, selon Le Parisien. Et à ces phénomènes saisonniers s’ajoutent les creux et bosses formés dans le revêtement par le passage des bus, qui font parfois ressembler la voirie à une piste de ski acrobatique.

Les travaux de réparation ne peuvent être entrepris que lorsque la température s’est radoucie et qu’on est assuré qu’il ne gèlera plus. Ce qui explique pourquoi les services de la voirie attendent généralement la fin de l’hiver pour intervenir, au risque d’exaspérer les usagers.

Mais au-delà de ces réparations ponctuelles, l’essentiel des travaux consiste en un entretien préventif, explique l’Union routière de France (URF), qui rassemble les acteurs économiques du secteur, des concessionnaires autoroutiers aux organismes de l’industrie automobile en passant par les associations d’usagers. L’entretien courant, qui comprend le comblement des nids-de-poule, ne constitue qu’une petite partie de la maintenance du réseau routier.

Une maintenance coûteuse

Plus la route se dégrade, plus il coûte cher de la remettre à neuf. En 10 ans, une chaussée moyennement utilisée passe de l’état « excellent » à un état « moyen ». Mais dans les trois années suivantes, si aucune réparation n’a été effectuée, la route passe à l’état « délabré ». « Les montants financiers à mobiliser en cas d’entretien déficitaire peuvent ainsi dépasser dix fois ceux de l’entretien régulier », explique l’URF.

L’Etat, parfois accusé du mauvais entretien des routes, n’est responsable que d’une toute petite partie du réseau, seulement 2 %, les autoroutes et les routes non concédées, qui concentrent il est vrai plus de 20 % de la circulation. Les départements et les communes sont chargés de, respectivement, 36 % et 62 % des routes. Et ces voies sont parfois étroitement imbriquées : dans une ville, une avenue passante peut être sous la responsabilité du département, alors que les rues adjacentes dépendent de la commune.

Les collectivités locales, dont les dotations ont beaucoup baissé depuis 2013, dépensent de grosses sommes pour entretenir la voirie, 70 millions d’euros en 2016 pour la seule Ville de Paris, un budget en baisse de 10 millions par rapport à 2015. Mais ces travaux ne sont pas très valorisants pour les élus. Contrairement à un équipement dont l’inauguration est annoncée par les médias, tramway ou piste cyclable, personne ne remarque le colmatage des nids-de-poule, sauf précisément lorsqu’il n’est pas effectué…