Lors de la réunion sur la réforme des institutions entre Emmanuel Macron, Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée, Gérard Larcher, président du Sénat, Edouard Philippe, premier ministre, et François de Rugy, président de l’Assemblée nationale, à l’Elysée, le 30 mars. / LUDOVIC MARIN / AFP

La fin du suspense approche, mais pas forcément celle du bras de fer. La réforme des institutions voulue par Emmanuel Macron sera présentée en milieu de semaine prochaine, a fait savoir l’Elysée vendredi 30 mars. Les annonces seront faites par le premier ministre, Edouard Philippe, vraisemblablement mercredi 4 avril. Avant ce rendez-vous, la présidence de la République prévient : les « engagements » pris par le candidat Macron durant la campagne présidentielle – la réduction du nombre de parlementaires, l’introduction d’une dose de proportionnelle et la limitation des mandats à trois consécutifs – seront « respectés ».

Reste à trouver le juste curseur et la bonne méthode pour faire adopter ces changements. Vendredi matin, le chef de l’Etat a reçu une dernière fois, avec M. Philippe, les présidents de l’Assemblée nationale, François de Rugy (LRM), et du Sénat, Gérard Larcher (LR). Et malgré le discours officiel de l’Elysée d’un « travail convergent », les difficultés demeurent.

Pour preuve, alors que l’entourage présidentiel a avancé vendredi qu’un « accord » était en passe d’être trouvé sur une baisse de 30 % du nombre de députés et de sénateurs, le président du Sénat a immédiatement démenti. « Aucun accord [n’a été trouvé] sur la réduction de 30 % du nombre de parlementaires », a-t-il assuré sur Twitter, en précisant que ce point « reste en discussion ». M. Larcher a toutefois salué des « avancées significatives », lors de cette réunion qu’il a jugé « utile ». Il a également annoncé qu’il ferait un point mardi avec le groupe de travail du Sénat chargé de travailler sur la réforme.

Des blocages persistent

L’annonce unilatérale de l’Elysée sur un supposé accord n’a pas été appréciée au Palais du Luxembourg. « Cela n’a aucun sens car c’est une négociation globale et c’est faux. Pour Gérard Larcher, une baisse de 30 % de parlementaires, c’est trop », tranche l’entourage de ce dernier, manifestement agacé par l’empressement de l’équipe Macron. Le signe que des tensions existent toujours dans cette négociation entre l’exécutif et le Sénat, dominé par la droite. Des tractations qui s’apparentent parfois à une partie de poker menteur.

Si la négociation paraît avancer sur certains points, des blocages persistent sur certains axes de la réforme, notamment sur la dose de proportionnelle à introduire aux élections législatives. « Le diable se niche dans les détails », observe un ministre. La rencontre n’a ainsi pas été « conclusive » sur ce sujet, reconnaît l’Elysée qui dit toujours « travailler à une voie de passage ».

Dans ses pistes présentées début mars aux principaux responsables parlementaires, le premier ministre avait proposé 10 % à 25 % de proportionnelle. Depuis, ce sujet précis est devenu un point dur de la négociation car l’exécutif doit trouver un compromis entre des exigences profondément divergentes. Alors que M. Larcher milite pour un taux bas, autour de 10 %, M. de Rugy demande, lui, 25 %. Allié de M. Macron, le président du MoDem, François Bayrou, fait pression en coulisses auprès du chef de l’Etat pour que la dose de proportionnelle s’établisse « entre 20 % et 25 % minimum ». « Autrement, cela veut dire que l’on ne changerait rien », avait-il averti dans Le Monde.

Donner des gages à Gérard Larcher

La dose retenue par le gouvernement pourrait se situer au final autour de 15 %. D’après une source gouvernementale, le plan de l’exécutif serait de faire passer le nombre de députés de 577 à 404, et les sénateurs de 348 à 244. Avec, au final, 64 députés élus à la proportionnelle. Et peu importe si cela ne convient pas au président du MoDem.

« On ne va pas détricoter la Ve République et créer de l’instabilité institutionnelle pour les beaux yeux de Bayrou », tranche un député LRM.

Le non-cumul des mandats dans le temps, en revanche, ne semble plus un motif de blocage majeur. Après en avoir fait un point non négociable, M. Larcher pourrait adoucir sa position. « Il en fait une affaire de principe mais s’il y a des avancées sur l’ensemble de la réforme, on peut travailler sur ce point », explique son entourage.

Conséquence de la réduction du nombre de parlementaires, la nécessité de maintenir au moins un sénateur par département constitue en revanche un véritable casus belli. Pas question, à ses yeux, d’aboutir à la sous-représentation des territoires ruraux. L’Elysée en serait conscient et veillerait à donner des gages à M. Larcher. « Maintenir un député et un sénateur par département est une idée simple que chacun partage au gouvernement », assure un ministre.

L’exécutif semble donc toujours privilégier la voie parlementaire pour faire adopter sa réforme constitutionnelle. Les projets de loi constitutionnelle, organique et ordinaire qui seront présentés par le premier ministre auront « vocation à progresser lors de leur examen à l’Assemblée nationale et au Sénat », précise l’Elysée.

A ce stade, M. Macron, qui devrait de nouveau s’exprimer devant le Parlement réuni en congrès à Versailles en juillet, un an après sa première intervention devant les parlementaires, n’envisagerait pas de recourir au référendum. Une arme politique redoutable mais qui peut parfois se retourner contre le pouvoir en place.