A petits pas, chaque année, les smartphones chinois s’approchent des qualités de l’étalon mesure des mobiles Android, le Samsung Galaxy S. Battre le maître est devenu un enjeu clef pour le numéro trois mondial Huawei — prononcez « wawé ». Son P20, qui sera commercialisé vendredi 6 avril, semble tout particulièrement prometteur : ligne soignée, déverrouillage facile, qualité photo inégalée selon son fabricant, qui n’hésite pas à le comparer à un appareil photo professionnel. Le P20 sera vendu 200 euros de moins que le Samsung Galaxy S9. Mais est-ce réellement une affaire pour les passionnés d’images et les autres ? Réponse en huit points à picorer selon vos centres d’intérêt.

  • Des photos très « pop »

Les images du P20 sont souvent beaucoup plus colorées que celles du Samsung S9, du Oneplus 5T et de l’iPhone X, auquels nous l’avons comparé. / Nicolas Six / LE MONDE

Mieux vaut éviter de regarder les clichés du P20 avec l’œil d’un professionnel de la photographie ou d’un puriste en quête de naturel. Les photos du Huawei misent sur des couleurs extrêmement vives et des contrastes spectaculaires, agrémentés d’une sorte de vernis gommant les microdétails de l’image, la rendant plus propre, presque plus brillante.

Les images du P20 sont souvent exagérément vives. / Nicolas Six / LE MONDE

Même si ces images ne ressemblent pas à la réalité, cette patte photographique « pop » plaira à beaucoup d’utilisateurs. Rarement toutefois aux consommateurs prêts à payer deux fois plus cher pour un smartphone tirant des photos un peu meilleures. La plupart des passionnés d’images préféreront les images plus claires, plus nettes, plus naturelles d’un Samsung S9. Voire les images particulièrement fidèles aux couleurs des derniers iPhone.

De nuit, le P20 capture beaucoup d’images floues. Pour contrer ce problème, l’astuce consiste à garder l’appareil bien stable pendant deux secondes après avoir pressé le bouton. Agaçant. Les clichés photographiés de nuit sont toutefois assez flatteurs sur l’écran du P20 : très lumineux, très colorés, moins « pop » que les photos diurnes. Mais lorsqu’on les regarde sur le grand écran d’un ordinateur, on déchante. Leur netteté oscille de mauvaise à correcte. Ces clichés ne valent pas mieux que ceux d’un bon smartphone à 500 euros.

Légende : même à son meilleur, le P20 tire des photos de nuit moins nettes que le S9. / Nicolas Six / LE MONDE

A noter, le P20 filme des images particulièrement stables. Comme le Galaxy S9, il est capable de capturer des ralentis à près de mille images secondes.

  • Un joli design

Comparé aux nouveaux mobiles d’Apple et Samsung, le P20 n’a pas à rougir de son allure. / Nicolas Six / LE MONDE

Avec sa taille fine et son corps élancé, le P20 a de l’allure. Ses tranches arborent des rondeurs métalliques flatteuses. Son dos réfléchissant est proposé en deux couleurs originales : rose poudré, bleu canard, ainsi qu’en noir. Le P20 est un beau smartphone qui ne rougit pas quand on le pose entre un iPhone X et un Samsung S9. Sa qualité de fabrication est excellente, mais les amateurs de matériaux luxueux remarqueront probablement avec envie le verre courbé qui orne l’avant et l’arrière du Samsung.

La tranche du P20 n’est pas aussi arrondie que celle du S9, dont les bords d’écran sont recourbés. / Nicolas Six / LE MONDE

L’écran du P20 est très lumineux et contrasté, ses couleurs sont justes. Sa technologie LED n’a pas le punch des écrans OLED qui équipent l’iPhone X, le Samsung S9 ou le OnePlus 5T. Mais en journée, la différence est loin de sauter aux yeux. C’est la nuit que le contraste infini de l’OLED frappe.

  • Modérément confortable en main

Le P20 soumet le pouce à rude épreuve : les alertes et les raccourcis rapides nichés en haut de l’écran sont impossibles à atteindre sans tricher. C’est le problème des nombreux smartphones qui ont adopté un écran allongé « 18/9e ». Faire glisser le mobile dans la paume, vers le bas, est une manœuvre un peu plus laborieuse sur le P20 que sur l’iPhone X ou le Samsung S9. C’est le seul gros défaut du P20 : il est exagérément étiré vers le haut.

Les tranches du P20 sont fort heureusement arrondies, et cela facilite la prise en main. La préhension est meilleure que celle d’un Sony ou d’un OnePlus. Mais, ici encore, le Samsung S9 fait mieux : sa taille est plus étroite grâce à ses bords incurvés, qui font toute sa singularité. Le P20 fait l’impasse sur la traditionnelle prise audio. Pour connecter un casque, il faut brancher un adaptateur, un défaut que n’a pas le Samsung.

  • Mais facile à déverrouiller

Le P20 fait oublier son ergonomie passable grâce à son capteur d’empreintes digitales logé avec sagesse au bas de l’écran. Sa petite taille ne nuit ni à l’esthétique du mobile ni à l’efficacité du déverrouillage, rapide et efficace. On le trouve sans tâtonner, et quand le mobile est posé, il reste accessible.

Le capteur d’empreintes du p20 (à gauche) est sur l’avant du mobile, une position plus pratique que sur le Samsung qui l’a relégué au dos (à droite) / Nicolas Six / LE MONDE

Comme tous ses concurrents, le P20 propose également un déverrouillage par reconnaissance du visage, particulièrement efficace et rapide. Il fonctionne dans des conditions de lumière difficiles, et nous n’avons pas réussi à le berner en lui présentant une simple photo. Il arrive cependant que le P20 ne reconnaisse pas son propriétaire. Il suffit alors de poser le doigt sur le lecteur d’empreintes digitales pour le réveiller. Avant le P20, aucun mobile ne nous avait paru aussi facile à déverrouiller.

  • Particulièrement simple

Le gros bouton qui figure au bas du mobile, celui-là même qu’Apple et Samsung ont abandonné, a décidément bien des vertus. Il permet de revenir instantanément à l’écran d’accueil sans se perdre dans les boutons d’Android. On peut d’ailleurs se passer du bouton « retour » d’Android : les applications créées par Huawei affichent elles-mêmes une petite flèche retour quand c’est nécessaire.

Le tiroir d’applications d’Android disparaît tout bonnement. Les applications s’affichent toutes sur l’écran d’accueil, comme sur iPhone — une manœuvre de moins à apprendre. Le P20 est décidément un mobile à mettre entre toutes les mains. Ces modifications ergonomiques pourront agacer les habitués d’Android, mais ils pourront parfaitement résoudre ce problème en installant un lanceur d’applications comme Nova.

Huawei a aussi le souci du détail. Le fabricant a créé une série d’applications plus simples que celles de Google : musique, courriel, galerie photo, etc. Sur l’écran d’accueil, leurs icônes colorées ne sont pas jolies mais elles rendent l’accès aux applications plus rapide et plus instinctif. Lorsqu’on branche le P20 à un ordinateur, le smartphone demande si l’on souhaite transférer les photos, une délicate attention. Décidément très en pointe sur l’ergonomie, Huawei offre un dernier raffinement : on peut flouter le fond d’écran pour mieux faire ressortir les icônes.

  • Il faudra en prendre soin

Lorsqu’on tape avec l’ongle sur le dos du P20, on entend un bruit creux. C’est la signature du polycarbonate, un plastique haut de gamme. Comparativement au verre du Samsung, ce matériau semble un meilleur choix : en cas de chute, le risque de fracture est bien moindre.

Contrairement aux apparences, le dos du P20 n’est pas en verre. / Nicolas Six / LE MONDE

Le polycarbonate a néanmoins deux petits défauts : il se déforme en cas de choc, ce qui fragilise le mobile dans certains scénarios de chute assez rares. En outre, ce plastique résiste beaucoup moins bien aux griffes que le verre. Il faudra donc faire attention à ne jamais laisser le P20 dans la poche avec ses clés.

Toujours sur le plan de la durabilité, la batterie du P20 n’est pas amovible, ce qui est hélas désormais devenu la norme. Les composants électroniques du mobile d’Huawei sont très rapides, le P20 devrait rester réactif de longues années. Le Samsung S9 est certes 20 % plus véloce, mais en pratique, la différence est imperceptible. Enfin, contrairement au S9, le P20 n’est pas totalement étanche, mais seulement résistant aux éclaboussures.

  • Une batterie endurante

Difficile de le mettre à genoux le P20 en une journée. Difficile mais pas impossible si vous voyagez du matin au soir par exemple. Le mobile de Huawei tient une à deux heures de plus que le Samsung S9. Mais la recharge sans fil est impossible sur le P20 ; elle reste l’apanage du S9 et de l’iPhone X.

Conclusion

Il manque trop de qualités au P20 pour égaler le Samsung S9, à commencer par ses photos, qui sont moins claires et moins naturelles. Les clichés du P20 accentuent sans retenue les contrastes et les couleurs, un style séducteur qui rencontrera son public mais qui remportera rarement les suffrages des passionnés de photographie. Or, en 2018, la seule raison rationnelle d’investir plus de 500 euros dans un mobile est précisément d’être mordu de photos.

Rationalité à part, on peut décemment craquer pour le P20. C’est un mobile plus fin et plus joliment dessiné que bien des mobiles à 500 euros, offrant un choix de coloris rafraîchissant. On le déverrouille avec une facilité déconcertante et ses menus sont particulièrement accueillants.

Le P20 est plutôt pour vous si :

  • vous préférez les objets épurés aux objets luxueux ;
  • la simplicité vous importe plus que le contrôle ;
  • les achats rationnels vous barbent.

Le P20 n’est plutôt pas pour vous si :

  • vous prenez la photographie au sérieux ;
  • vous cherchez le meilleur rapport qualité-prix ;
  • vous utilisez souvent votre mobile à une main car vous vivez à mille à l’heure.