Carlos Alvarado a été largement élu à la tête du Costa Rica, au second tour de la présidentielle, dimanche 1er avril. / EZEQUIEL BECERRA / AFP

« Mon devoir est d’unir le pays ! », a répété Carlos Alvarado après avoir remporté, dimanche 1er avril, l’élection présidentielle au Costa Rica. Une victoire écrasante (60,7 % des voix) pour l’ancien ministre du travail de centre gauche, à l’issue d’une campagne chamboulée par le conservatisme évangélique. A 38 ans, cet ancien journaliste a bénéficié d’un « choc religieux » qui a divisé le pays, éclipsant le bilan critiqué du gouvernement. Mais des chantiers colossaux l’attendent pour sauver un Etat providence unique dans la région.

Fan de rock et auteur de trois romans, le candidat du Parti action citoyenne (centre gauche, au pouvoir) s’est posé en rempart contre la « menace fondamentaliste » incarnée par son adversaire homonyme, Fabricio Alvarado (39,3 %), prédicateur et chanteur néopentecôtiste. Comme l’autre finaliste surprise, Carlos Alvarado était crédité, à la fin de 2017, de moins de 5 % des intentions de vote. Les deux outsiders sans lien de parenté ont pourtant remporté, le 4 février, le premier tour du scrutin, excluant de la course présidentielle les deux partis traditionnels, Libération nationale (PLN, social-démocrate) et Unité sociale chrétienne (PUSC, droite), qui s’étaient partagé le pouvoir de 1948 à 2014.

Le mariage pour tous au cœur de la campagne

Un événement a fait basculer la campagne en leur faveur. Le 9 janvier, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a exhorté le Costa Rica à reconnaître le mariage pour tous. L’opposition virulente de Fabricio Alvarado, candidat du Parti Restauration nationale (PRN, chrétien conservateur), contre la décision de la CIDH, a polarisé les 3,3 millions d’électeurs, dont 62 % sont catholiques et 22 % évangéliques. « L’un a rallié les évêques et les pasteurs à sa cause ; l’autre, les forces progressistes, explique le sociologue Carlos Sandoval. Ce “choc religieux” a fait oublier le mécontentement envers le gouvernement sortant », dont Carlos Alvarado a été ministre du développement social (2014-2016) puis du travail (2016-2017).

Quatre ans plus tôt, le président Luis Guillermo Solis (2014-2018), issu du PAC, mettait fin au bipartisme du PLN et du PUSC en promettant de lutter contre la corruption. Mais un scandale de conflit d’intérêts a entaché l’image de renouveau du gouvernement, incapable de réduire la pauvreté extrême (6 %), le chômage (9,3 %) et la violence galopante (12 homicides pour 100 000 habitants). « Je ne suis pas M. Solis », a répété, durant la campagne, le candidat du PAC, prenant ses distances avec son mentor politique.

Finances publiques en crise

Elu pour quatre ans, le nouveau président hérite d’un déficit fiscal record (6,2 % du PIB) et d’une dette publique de plus de la moitié du PIB. / EZEQUIEL BECERRA / AFP

Elu pour quatre ans, le nouveau président hérite d’un déficit fiscal record (6,2 % du PIB) et d’une dette publique de plus de la moitié du PIB. La crise des finances de l’Etat menace la survie des services publics d’éducation et de santé, instaurés après l’abolition de l’armée en 1948. « Sans majorité législative, il va devoir négocier une réforme budgétaire », souligne le politologue Constantino Urcuyo. Le 4 février, le PAC a décroché 10 des 57 sièges de députés à l’Assemblée unicamérale, au premier tour de l’élection jumelée avec les législatives.

Au début de mars, Carlos Alvarado a noué une alliance avec Rodolfo Piza, candidat malheureux du PUSC à la présidentielle. « Cette curieuse union avec un parti néolibéral a fait grincer des dents au sein de sa formation de centre gauche, souligne M. Urcuyo, qui précise que le PUSC (9 députés) et le PAC n’ont pas de majorité législative. Le nouveau président doit tendre la main aux dirigeants du PLN (17 députés), dont la plupart ont soutenu son adversaire. »

D’autant que le « choc religieux » a incité ce partisan du mariage pour tous à arrondir les angles pour élargir son électorat. Catholique non pratiquant, ce francophone, père d’un enfant, a notamment pris position contre l’avortement. « Ce grand écart va lui poser des problèmes de gouvernabilité », note M. Urcuyo qui prévoit des manifestations contre son programme d’austérité pour réduire la dette. Après un scrutin qui s’est déroulé dans le calme, l’intéressé a appelé à « un gouvernement national » de coalition pour soigner les plaies de la plus ancienne démocratie d’Amérique latine.