Les multiples références de « Ready Player One » au jeu vidéo n’ont pas suffi à lui valoir la sympathie unanime de la presse spécialisée. / Jaap Buitendijk / AP

Nota bene : cet article aborde certains aspects de l’intrigue du film.

Il ne suffit pas d’aligner des références à Street Fighter, Megaman ou encore Overwatch pour séduire les joueurs, si l’on en croit les retours divisés de la presse jeu vidéo depuis la sortie de Ready Player One le 28 mars. Le dernier long-métrage en date de Steven Spielberg met en scène l’Oasis, un système ludique virtuel dans lequel s’échappent les habitants d’un monde dystopique, l’Ohio de 2048. Truffé de clins d’œil au jeu vidéo comme au septième art, le film est unanimement salué comme un excellent moment de divertissement, mais sa vision parcellaire et moraliste inquiète.

« Honnêtement, les images de synthèse étaient incroyables. Spielberg est fondamentalement un grand réalisateur, il sait faire un film », relève ainsi Gita Jackson, du site américain Kotaku. « Avec ses courses-poursuites explosives et ses fusillades dantesques, certaines scènes d’action de Ready Player One paraissent déjà inoubliables, et sont l’une des meilleures excuses que j’aie vues pour devenir dingue d’effets visuels, abonde Alanah Pierce, sur IGN. Il joue avec les échelles, le mouvement, la gravité et le temps de manière fluide ; Spielberg utilise à plein la créativité sans pareille que seuls permettent les films composés en grande partie d’animation. »

Jeuxvideo.com se désole quant à lui qu’en choisissant de condenser 600 pages du roman original en deux heures de film, Steven Spielberg ait éludé toute la dimension sociale de l’Oasis, pour n’en garder qu’une impressionnante machine à divertissement – et flatter le public joueur. Street Fighter, Overwatch, Halo, Mortal Kombat, Alien… On ne compte plus les innombrables références et clins d’œil disséminés dans le film, souvent de manière évidente, parfois moins. IGN est arrivé au chiffre de 138 références.

Un catalogue de placements produits

Côté pile, Ready Player One donne l’impression d’un long-métrage renseigné sur son sujet et généreux pour les amateurs de culture geek. « On peut bien critiquer des éléments de l’intrigue ou les motivations des personnages autant qu’on veut, mais au bout du compte, reconnaît Seung Park, community manager de Kotaku, j’ai littéralement bondi de joie de mon siège quand [le robot géant pilotable] Gundam a décollé pour affronter Mecha Godzilla au côté du Géant de fer ».

Côté face, il s’agit d’un catalogue sans fin de placements produits, qui ferait passer le moindre James Bond pour un modèle de pudeur en la matière, et donne l’impression d’un film qui tourne en boucle sur des références que Steven Spielberg a lui-même inspirées – à l’image de ce dinosaure de Jurassic Park en plein monde virtuel. « Dire que Ready Player One (…) est autoréférentiel serait un euphémisme. C’est un nœud de Mœbius qui met le cerveau à l’envers, une entité monodimensionnelle sans fin ni début, en permanence en train de se tordre sur lui-même », épingle Odi Welsh, sur le site anglais Eurogamer.

Ce dernier relève qu’au contraire d’un autre cinéaste célèbre pour sa culture de la citation, Quentin Tarantino, Steven Spielberg accumule les références sans vraiment chercher à les ingérer. IGN, dont la critique est pourtant l’une des plus enthousiastes, reconnaît ainsi que le film « tombe de temps en temps dans le ringard, comme avec ce personnage déclamant au premier degré “un fanboy sait reconnaître un hater” » – deux termes de la culture geek employés dans le film à mauvais escient.

Plusieurs médias relèvent d’ailleurs que derrière l’apparente flatterie de la culture geek, le film délivre finalement un message très conservateur, à l’image de sa dernière phrase, « la réalité est la seule chose qui soit réelle », éternelle critique de joueurs qui ignoreraient la nature imaginaire de leur loisir. Jeuxvidéo.com évoque un message « par moment grossier et assez naïf », « parfois cliché et peu subtil (on se serait bien passé de cette morale un brin condescendante) ». D’autant que le livre se conclut sur une phrase différente, moins moraliste : le héros, amoureux, constate juste que pour la première fois depuis longtemps il n’a pas envie de se reconnecter à l’Oasis. Polygon résume ainsi le long-métrage à « un excellent film gâché par un dernier dialogue catastrophique », « à la fois meilleur et pire qu’espéré ».