L’heure des décisions douloureuses approche à l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). En butte à d’importantes difficultés financières, le plus gros organisme de formation de France est sur le point d’arrêter de nouvelles orientations stratégiques qui pourraient se traduire par la fermeture de plusieurs centres et par des coupes claires dans les effectifs. Son conseil d’administration (CA) devait se réunir, mardi 3 avril, pour aborder le sujet, mais sans entrer dans le détail des mesures – les arbitrages définitifs n’étant pas encore rendus. Le dossier est suivi de très près, en particulier par le ministère du travail et par celui des comptes publics – représentés au sein du CA de cet établissement public – mais aussi par l’Elysée.

L’AFPA ressemble à un navire qui sombre, petit à petit. Ses résultats se détériorent « de manière continue » depuis une dizaine d’années avec des « pertes cumulées », à partir de 2012, qui « atteignent 725 millions d’euros », selon un audit de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale des finances (IGF), dont la synthèse a été présentée aux administrateurs, fin janvier. Le chiffre d’affaires dégringole et les effectifs déclinent, quelque 7 800 personnes travaillant dans l’agence aujourd’hui contre près de 11 000 en 2008 (une partie significative de la baisse étant imputable à des transferts de postes vers Pôle emploi).

Déconfiture

Plusieurs facteurs sont mis en avant par les syndicats pour expliquer cette déconfiture : notamment le fait d’avoir confié aux régions des prérogatives fortes en matière de formation des chômeurs, ainsi que l’ouverture de ce marché à la concurrence. Il en résulte une libéralisation sauvage, aux yeux des organisations de salariés, avec de multiples conséquences « délétères » : course au moins-disant sur les prix entre organismes, pertes de marchés, érosion des marges, etc.

La mission IGAS-IGF relève d’autres fragilités : « le manque de compétitivité des prestations de l’AFPA pour certains secteurs », le niveau des rémunérations plus élevé que dans les organismes privés, les « rigidités » des règles qui compliquent les mutations (pour passer d’un lieu de travail à un autre ou d’une fonction à une autre), etc. Les résultats de l’AFPA présentent des écarts, d’une « systématicité » et d’une « ampleur » telles, avec ses prévisions financières que l’on peut « s’interroger sur [la] sincérité » de celles-ci, fustigent l’IGAS et l’IGF. Constat « orienté et injuste envers le personnel », estime Thierry Cheype, représentant (CFDT) des salariés, au CA. « Les conclusions semblaient écrites d’avance, renchérit son homologue de la CGT, Christian Filliot. Qui veut tuer son chien dit qu’il a la rage. »

Toujours est-il que des changements profonds se dessinent. Plusieurs options sont sur la table, avec des suppressions d’emplois plus ou moins massives selon les hypothèses (des sources syndicales ayant même évoqué 2 000 postes en moins). Au sein de l’exécutif, les analyses ne sont pas forcément convergentes : comme le fait remarquer un bon connaisseur du dossier, la direction du budget n’a guère envie d’entendre les « traditionnels appels au secours de l’AFPA » pour que l’Etat mette la main à la poche – d’autant moins que Bruxelles pourrait ne pas apprécier un tel coup de pouce, qui s’ajouterait à celui donné sous le quinquennat Hollande, avec un engagement de 220 millions d’euros sur cinq ans.