Documentaire sur France 2, mardi 3 avril, à 22 h 45

Un an après Détenues, ­remarquable documentaire sur des femmes condamnées à de longues peines, pour son deuxième film en tant que réalisatrice, Marie Drucker a choisi d’explorer cette fois ­l’enfance à travers une nouvelle plongée, tout aussi sensible et ­délicate, dans l’univers d’ado­lescents ­précoces. Si les sujets et les lieux de ces immersions dif­fèrent, on retrouve la même ­volonté d’éclairer un processus de ­construction en démontant les préjugés, les idées reçues et autres clichés.

De fait, avec Alice (11 ans), Joséphine (15 ans), Ellie (12 ans), Héloïse (15 ans) ou encore Octave (12 ans), tous élèves au sein de l’école Georges-Gusdorf – un établissement pour les enfants précoces à Paris, où Marie Drucker les a suivis pendant un an –, nous sommes loin de l’image de fillettes ou de garçons hautains, sûrs d’eux-mêmes et de leurs capacités ; ou encore de l’image, parfois véhiculée dans certains reportages, de petits génies jonglant avec les chiffres ou les concepts philo­sophiques. Bien au contraire.

Joséphine, 15 ans, dans « Le Courage de grandir » de Marie Drucker.

Dans ce documentaire singulier, filmé et construit à hauteur d’enfance, Marie Drucker s’attache à mettre en évidence leur fragilité, leur sensibilité extrême, leur ­détresse à maîtriser la complexité de leur pensée, les interrogations qui se bousculent dans leur tête (« Quand on est précoce, on a toujours envie de se poser la question “pourquoi la vie est faite comme ça ? », confie Alice). Mais aussi leur rapport aux autres enfants, à leurs parents, à une quête de ­ perfection, d’absolu, qui les écrase.

S’affranchissant de toute linéarité, en bousculant la chronologie, en se passant de tout commentaire, Le Courage de grandir s’offre, à l’image de ces enfants et de leur pensée foisonnante, comme une arborescence de ­scènes savoureuses, d’instants à fleur d’émotion, de silences, de ­regards égarés en soi, de paroles poignantes. Celles des adolescents bien sûr, mais aussi de leurs ­parents, parfois démunis. Ou du corps enseignant, dont la directrice de l’école Georges-Gusdorf résume la délicate mission : « On est là pour ne pas couper leur élan (…), pour les aider à réussir à être eux-mêmes sans souffrance, sans se renier, et à prendre place dans la société en douceur. » Avec ce film, Marie Drucker ­confirme son talent de réalisatrice, ainsi que la force et la per­tinence de son regard.

Le Courage de grandir, de Marie Drucker (France, 2017, 65 min).