L’avis du « Monde » – à voir

Les autorités du Royaume pourraient décerner un label « British Quality » à la catégorie de films dont relève A l’heure des souvenirs. Destinés – comme Indian Palace, The Lady in the Van ou Confident Royal – à un public qui peut faire valoir sa réduction senior, employant des acteurs nés, comme ces spectateurs, pendant le baby boom, ces longs-métrages se caractérisent par une mise en scène qui peut être délicate (dans le meilleur des cas) ou précautionneuse, par fascination bien tempérée pour les maux de la vieillesse, au premier rang desquels la nostalgie.

Adapté d’un roman de Julian Barnes – qui pourrait obtenir le prix Nobel du temps qui passe, s’il existait – A l’heure des souvenirs se classe, de justesse, parmi les réussites du genre. Comme dans 45 ans, d’Andrew Haigh, ce qui reste – à force de privatisations et de rationalisations – du Royal Post Office joue ici le rôle de deus ex machina. Par un beau matin d’une retraite déjà bien entamée, Tony Webster (Jim Broadbent) reçoit une lettre à en-tête d’un cabinet d’avocat lui annonçant qu’il a hérité du journal intime d’Adrian Finn, qui fut, un demi-siècle plus tôt, son camarade de pensionnat et d’université. Le vieillard, qui occupe ses journées en vendant des Leica de collection hors de prix, est forcé de revenir sur un passé dont il n’avait conservé qu’un souvenir vague et idyllique.

Lire la critique de « 45 ans » : Les pièges de l’amour et du temps

Une forme de vérité peu commune au cinéma

Le metteur en scène manie avec dextérité le matériau que requiert ce type d’ouvrage : les allers-retours entre le XXIe siècle et les années 1960, les transitions qui doivent arrimer des acteurs très différents aux mêmes personnages. Freya Mavor, par exemple, ne ressemble en rien à Charlotte Rampling dont elle est censée être l’incarnation juvénile.

Mais cet appareil n’est pas au centre des préoccupations de Ritesh Batra. Le réalisateur de The Lunchbox, trace très attentivement le parcours du vieillard qu’est devenu Tony Webster, forcé d’entrer dans les détails pas très reluisants de sa biographie. Plus qu’en Charlotte Rampling – qui reste une présence périphérique, quoique impressionnante – c’est avec Harriet Walter, qui incarne avec vigueur son ex-épouse, que Jim Broadbent peut développer son personnage, en effeuiller les strates : du boutiquier ronchon, presque dickensien qui forme la couche extérieure à l’adolescent pusillanime qui survit tout au fond de lui-même. Grâce à ses interprètes, A l’heure des souvenirs parvient à une forme de vérité peu commune au cinéma.

A L'HEURE DES SOUVENIRS - Bande-annonce VOST
Durée : 02:18

Film britannique de Ritesh Batra. Avec Jim Broadbent, Charlotte Rampling, Harriet Walter (1 h 48). Sur le Web : www.alheuredessouvenirs-lefilm.com et www.facebook.com/alheuredessouvenirs