Comme un avertissement du ministre à sa majorité. Lors de son audition inaugurale au débat sur le projet de loi asile-immigration, dans la soirée du mardi 3 avril à l’Assemblée nationale, Gérard Collomb a mis en garde ceux qui critiquent la trop grande fermeté de ce texte. « Ce sujet parce qu’il n’avait pas été maîtrisé, a vu dans un certain nombre de pays déferler la vague des populismes et remettre en cause le droit d’asile », a prévenu le ministre de l’intérieur devant la commission des lois.

Un message qui s’adressait autant à ceux qui, dans les partis de gauche, ont dénoncé ce projet de loi, qu’aux députés de La République en marche (LRM). Les échanges en coulisses avec les élus de la majorité ont en effet été houleux lors des négociations sur ce texte. Une partie des députés macronistes se sont montrés très hostiles, et ils défendront des amendements pour en limiter la portée.

M. Collomb a décliné, devant les députés, les raisons de sa détermination. Selon lui, certaines régions françaises « sont en train de se déconstruire parce qu’elles sont submergées par des flux de demandeurs d’asile ». « Si nous restons sans réaction ce sont quelques centaines de milliers de personnes qu’il nous faudrait accueillir chaque année en France », a-t-il défendu avant d’ajouter : « Peut-on penser que nous pourrions construire chaque année une ville de taille moyenne pour accueillir ces réfugiés ? »

900 amendements ont été déposés

« Si nous ne le faisons pas où iront-ils ? S’installer dans des quartiers paupérisés où ils iront ajouter de la misère à la misère », a encore prédit le ministre avant de poursuivre : « Si on a des populations totalement marginalisées (…) alors il ne faudra pas s’étonner que se passent demain dans notre pays un certain nombre de dérives. »

Ces dérives, M. Collomb ne les a pas nommées, mais Eric Ciotti, député (Les Républicains) des Alpes-Maritimes, s’est chargé d’en identifier une. « L’intégration est un échec flagrant qui nourrit le communautarisme (…) terreau du terrorisme », a lancé l’élu qui a plaidé pour l’instauration de « quotas » d’accueil d’étrangers en France. « Partout il trouve que c’est un peu mou », a rétorqué le ministre au sujet de M. Ciotti avant de le mettre en garde : « Attention vous allez finir par être avec certains qui peuvent être plus durs que vous ! »

Face à sa majorité, M. Collomb a entrouvert une petite porte d’aménagement du texte. Sur la durée maximale des séjours en centre de rétention, que le texte portait au-delà de 90 jours, contre 45 actuellement, il s’est dit prêt à des « amodiations ».

Mais sur l’essentiel du texte actuel, « je ne changerai pas, a-t-il martelé. Sinon, je croirai rompre au plus profond de moi-même avec ce que j’ai pu constater depuis vingt ans de pratique politique. » « Il ne faut pas qu’il commence sur ce ton », s’inquiétait une députée LRM au sortir de l’audition. D’autant que les débats vont être longs : près de 900 amendements ont été déposés pour l’examen en commission qui se poursuivra au moins jusqu’à jeudi.