Plus de vingt ans après un coup d’Etat qui l’avait brièvement porté au pouvoir, Julius Maada Bio est de retour aux commandes de la Sierra Leone, cette fois par la voix des urnes. L’officier devenu opposant a obtenu 51,81 % des voix, selon les résultats prononcés mercredi 4 avril au soir par la Commission électorale nationale (NEC). Si le représentant du pouvoir sortant, Samura Kamara, a déjà annoncé son intention de contester les résultats provisoires, Julius Maada Bio n’a pas attendu plus de deux heures après l’annonce de sa victoire pour lancer un très conventionnel appel à l’unité, martelant : « Nous sommes un seul pays, la Sierra Leone, et nous sommes un seul peuple. »

S’il n’est âgé que de 53 ans, Julius Maada Bio n’en est pas à sa première intrusion dans le champ politique sierra-léonais. Le 29 avril 1992, avec quelques jeunes officiers, il participe au renversement, sans un coup de feu, de Joseph Saidu Momoh. Après le putsch, les officiers placent à la tête de la junte un tout jeune homme de 26 ans, le capitaine Valentine Strasser. Alors que la Sierra Leone connaît ses premières années de guerre civile avec le Front révolutionnaire uni (RUF), l’état d’urgence est décrété, des dispositions de la Constitution sont suspendues et 26 militaires sont exécutés sur des soupçons de rébellion.

Coup d’Etat « démocratique »

En janvier 1996, Julius Maada Bio, alors vice-président, chasse du pouvoir son frère d’armes lors d’un coup d’Etat qualifié de « démocratique » et rend le pouvoir, après la présidentielle organisée en mars, à un ancien fonctionnaire des Nations unies, Ahmad Tejan Kabbah. Ironie de l’histoire : durant cet éphémère passage au pouvoir, il nomme Samura Kamara, son adversaire d’aujourd’hui, à la tête du ministère des finances.

Jeune retraité de l’armée et de la présidence, il émigre à Washington, aux Etats-Unis, où il étudie les relations internationales. De retour en 2005, il se lance officiellement dans la politique en intégrant le Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP). Il en devient son candidat lors de la présidentielle de 2012. Opposé à Ernest Baï Koroma, le président sortant, il ne recueille que 37 % des votes.

Julius Maada Bio est connu pour son franc-parler. Il n’hésite pas à qualifier les projets d’infrastructures financés par la Chine d’« arnaques » ou à accuser le président Baï Koroma de « pousser la Sierra Leone au bord du chaos », tout en menaçant de jeter ses partisans dans la rue pour relancer le processus électoral.

Né à Tihun, un village situé dans le sud du pays, le brigadier-général Maada Bio a promis durant sa campagne de réviser les concessions minières, de revenir sur les avantages fiscaux accordés aux compagnies étrangères et d’instaurer une éducation primaire et secondaire gratuite. Un combat qu’il a déjà commencé, au côté de sa femme, en créant en 2014 une fondation pour venir en aide aux enfants défavorisés, aux femmes et à la jeunesse. Pour rappel, le taux de chômage de la jeunesse sierra-léonaise avoisine les 70 %.