A Bucarest, dans cette capitale partiellement défigurée par Nicolae Ceausescu mais qu’on appelle toujours « le petit Paris des Balkans », Harlem Gnohéré, 30 ans, est un père de famille heureux et épanoui. Marié et père de trois enfants, il a depuis longtemps tourné le dos à une adolescence agitée. Fils d’un couple originaire de Gagnoa, en Côte d’Ivoire, Harlem Gnohéré a vu le jour à Paris, avant de grandir à Savigny-sur-Orge puis à Villiers-sur-Seine (Essonne). « Là-bas, c’était très chaud, se souvient l’attaquant. J’étais bagarreur, souvent mêlé aux embrouilles entre quartiers. Mon père a vite compris le danger qui me menaçait. A 12 ans, il m’a envoyé au centre de formation de l’AS Cannes car il fallait m’éloigner de la cité. Il a eu raison. Beaucoup d’amis ont fait de la prison… J’aurais pu mal tourner. »

Le frère d’Arthur Gnohéré, ex-joueur professionnel à Cannes, à Caen, en Angleterre et en Suisse, quitte la Croisette au bout de trois ans, lorsque le club azuréen perd son statut professionnel, en 2004. Son expérience suivante, au centre de formation de Caen, tourne court. « J’ai été mis dehors à cause d’une bagarre qui a éclaté en centre-ville », raconte Harlem Gnohéré, qui atterrit à Troyes. « Mais on ne faisait pas confiance aux jeunes. Alors je suis parti en Suisse, dans des clubs de troisième division, pour 1 500 euros par mois. Je marquais des buts, mais aucun club de Ligue 2 ne s’est intéressé à moi. Alors je suis parti pour 1 000 euros à Virton, en troisième division belge, où le niveau était supérieur. »

Surnom : « le Bison »

En Belgique, Harlem Gnohéré rencontre sa femme et devient père de famille. Il se révèle plutôt efficace devant le but, même s’il avoue « avoir eu tendance à se reposer sur [sa] réussite ». Après Virton, le buteur évolue à Charleroi, Westerlo, Mouscron et Mons, qu’il quitte à cause des difficultés financières du club du Hainaut. Il accepte finalement l’offre du Dinamo Bucarest, émanation du ministère roumain de l’intérieur, où Mircea Rednic, son ancien entraîneur à Charleroi, lui propose de le rejoindre. « J’aurais pu aller dans un autre club roumain, le FC Petrolul Ploiesti, explique l’attaquant. Mais le président de ce club m’a dit que je n’avais pas le niveau… » Depuis l’hiver 2017, Harlem Gnohéré évolue au Steaua Bucarest, en tête du championnat.

Aujourd’hui, celui qui est surnommé « le Bison » en référence à sa carrure imposante présente des statistiques flatteuses, faisant de lui le deuxième meilleur buteur du championnat (12 buts en 24 matches). « Je n’ai jamais été sollicité ni même observé par un émissaire de la fédération ivoirienne. Je ne sais pas si j’aurai un jour l’occasion de jouer pour les Eléphants. Je pensais que marquer des buts dans un championnat européen me permettrait de me faire remarquer, poursuit Harlem Gnohéré, dont l’autre frère, Joris Gnagnon (Stade rennais), est international ivoirien. J’espère toujours, mais je commence à être fataliste… »