Le premier ministre libanais, Saad Hariri, et le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, à Paris, le 6 avril. / POOL/REUTERS

Une conférence internationale, en soutien à l’économie du Liban, menacée de banqueroute, s’est ouverte vendredi 6 avril à Paris, sous les auspices du président français, Emmanuel Macron, et du premier ministre libanais, Saad Hariri.

Baptisée CEDRE – Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises – cette réunion à laquelle une quarantaine d’Etats devrait assister vise à financer des chantiers d’infrastructures, tout en poussant à un renforcement des mécanismes de régulation et à des mesures d’ajustement budgétaire. Une urgence dans un Etat miné par la corruption et dont la dette atteint 150 % du PIB, le troisième ratio le plus élevé au monde.

Il s’agit du deuxième exercice de levée de fonds au profit du pays du Cèdre sur une série de trois étalés sur un mois et demi. Il survient après la conférence de Rome du 15 mars, en soutien à l’armée libanaise et avant celle de Bruxelles le 25 avril, en soutien aux réfugiés syriens installés au Liban – près d’un quart de la population locale. Beyrouth espère obtenir entre 6 et 7 milliards de dollars (entre 5 et 6 milliards d’euros) sous forme de lignes de crédit et de dons, de façon à financer la première partie d’une liste de projets, chiffrés à quelque 16 milliards de dollars et échelonnés sur dix ans.

Au sein de la société civile et de l’opposition, la tenue de cette conférence, avatar des grand-messes financières organisées dans les années 1990 et 2000 pour stabiliser le Liban après la guerre civile, suscite de nombreuses critiques. Sa programmation à un mois des élections législatives du 6 mai, les premières depuis 2009, est vue comme un soutien à peine déguisé à la coalition dirigée par Saad Hariri.

« Le Liban va très mal du fait de l’incurie des autorités »

« C’est de la publicité électorale pour le Courant du futur [le parti du premier ministre] qui mise toute sa campagne là-dessus », s’indigne Jean Tawilé, conseiller économique de Samy Gemayel, le chef du parti Kataëb (droite chrétienne), l’une des rares formations restées en dehors du gouvernement d’union. « Reporter la conférence après le scrutin, c’était prendre le risque de l’enlisement, vu que la formation du nouveau gouvernement peut prendre du temps », répond Jacques de Lajugie, chef du service économique à l’ambassade de France à Beyrouth.

Les autorités françaises se félicitent qu’en amont de la conférence, le gouvernement libanais ait réussi à faire passer plusieurs des mesures qui lui étaient instamment demandées. Le reliquat des conventions de financement, agréées lors de la troisième conférence des donateurs de Paris en 2007 mais bloquées du fait des dysfonctionnements de l’appareil d’Etat libanais, a été en partie apuré. Le budget 2018 a été voté par les députés, ainsi que le code de l’eau, un texte en jachère depuis 15 ans. Son adoption envoie un signal positif aux bailleurs, dans la mesure où une grande partie des projets soumis à financement porte sur le secteur hydraulique.

D’autres gestes sont attendus, comme la nomination de responsables à la tête des autorités de régulation des secteurs de l’électricité, des télécommunications et du transport aérien. Des organismes créés au début des années 2000 et qui restent des coquilles vides, faute d’accord entre les partis sur leur mode de fonctionnement. « Les donateurs ne paieront pas pour voir, ils paieront s’ils voient », prévient Jacques de Lajugie.

La société civile, échaudée par l’échec des précédentes conférences à enrayer le pourrissement des institutions libanaises, reste sceptique. « Le Liban va très mal, pas seulement à cause de la crise syrienne, comme le prétendent les autorités, mais en raison de leur propre incurie », fustige Halla Beijani, directrice du mouvement citoyen Kulluna Irada. Elle rappelle que 28 ans après la fin de la guerre, les réseaux d’eau et d’électricité fonctionnent de façon toujours aussi erratique. « Ce n’est pas d’un contrat de confiance entre les bailleurs et l’Etat, dont nous avons besoin, dit Halla Beijani, mais d’un contrat de confiance entre l’Etat et les citoyens. »