Pour s’extraire du trafic infernal de Kampala, mieux vaut circuler en boda, ces motos-taxis devenus le symbole de la capitale ougandaise. Tout le monde les utilise, mais le mode de transport n’est pas sans danger. Plus de 7 000 personnes sont mortes entre 2014 et 2016 dans des accidents impliquant des bodas en Ouganda. Mal équipés, mal formés, parfois ivres ou violents, les chauffeurs n’ont pas bonne réputation. Une brèche dans laquelle se sont engouffrées plusieurs compagnies pour proposer des services sécurisés.

« Nous avons naturellement choisi Kampala pour proposer notre premier service de bodas, parce qu’ici tout le monde en utilise », affirme Janet Kemboi, porte-parole d’Uber pour l’Afrique de l’Est. Le groupe américain a lancé, jeudi 29 mars, sa flotte de motos-taxis avec une centaine de conducteurs, joignables sur la même application que les véhicules traditionnels. Si le test est concluant, l’entreprise envisage de se développer dans d’autres villes, voire d’autres pays.

L’initiative d’Uber intervient peu après celle de son concurrent estonien, Taxify, qui a proposé aux motos-taxis de la capitale de rejoindre son service il y a un peu plus d’un mois. Les deux nouvelles compagnies ont longuement attendu avant de venir rouler sur les plates-bandes de SafeBoda, pionnière dans cette activité. Mais, cette fois-ci, les hostilités semblent bel et bien déclarées.

« Nous avons lancé SafeBoda en 2014 en partant du constat qu’il y avait un véritable problème de sécurité », explique Maxime Dieudonné, un jeune entrepreneur belge associé à deux autres partenaires, dont un ancien conducteur de boda. A l’époque, les Kampalais des classes moyennes ou les expatriés semblaient mûrs pour une nouvelle expérience motorisée plus sûre, quitte à payer des courses environ 50 % plus chères qu’avec les bodas classiques. Le succès a été immédiat. « De trois salariés au départ, la compagnie en compte aujourd’hui une soixantaine et nous avons une communauté de 1 300 conducteurs », poursuit Maxime Dieudonné.

Gilet et casque orange

Franck est l’élégant directeur d’une petite entreprise. Il vient de se faire déposer non loin de l’Acacia Mall, un lieu branché de Kampala, par un moto-taxi en gilet et casque orange caractéristiques des SafeBoda. « J’ai commencé à utiliser ce service il y a un peu plus de trois mois, explique-t-il. J’ai des rendez-vous toute la journée à des endroits totalement opposés de la ville. Utiliser ce type de moto-taxi est beaucoup plus rassurant. Ils vous proposent un casque et leurs numéros et noms sont clairement identifiables. »

« Nous insistons sur certains points essentiels, comme s’arrêter aux feux rouges, confirme Maxime Dieudonné. Les conducteurs qui intègrent l’équipe bénéficient de cinq jours de formation et se voient fournir un gilet réfléchissant et deux casques. Depuis nos débuts, nous n’avons à déplorer aucun mort. »

Par curiosité, Franck a essayé le service Uber et ne semble pas trouver de différence notable, même si « le prix est un peu plus élevé ». Taxify et Uber ont en effet suivi le même modèle que SafeBoda et fournissent peu ou prou le même équipement et des formations équivalentes. A les en croire, le marché est encore à défricher et chaque nouvel acteur ne fait qu’accroître le besoin. La différence entre les compagnies se fera certainement dans le traitement réservé aux conducteurs : fourniture de smartphones, batteries de secours, etc.

Sur Kiira Road, Aramasan se dit satisfait. Avant d’entrer chez SafeBoda, il n’était pas sûr d’avoir un bénéfice à la fin du mois. Aujourd’hui, il multiplie les courses grâce à l’application et a même pu ouvrir un compte en banque. Paul, lui, a décidé de changer d’écurie et de passer de la casaque orange au vert pomme de Taxify. « Je me sens mieux considéré là où je suis maintenant », lâche-t-il en scrutant son smartphone pour engager une nouvelle course.