Edouard Philippe à l’Assemblée nationale le 3 avril. / CHARLES PLATIAU / Reuters

Le premier ministre monte au front. Dans un entretien au Parisien à paraître dimanche 8 avril, Edouard Philippe affirme que le gouvernement ira « jusqu’au bout » dans ses projets de réforme de la SNCF, alors que les cheminots ont repris leur grève samedi soir, et entendent la maintenir jusqu’à mardi matin.

Cette grève « est conçue pour maximiser les nuisances pour les usagers », a déploré le premier ministre, mais « je reçois des messages de Français qui soutiennent le gouvernement », a lancé Edouard Philippe. Certains sujets ne sont « pas négociables », comme l’ouverture à la concurrence et la fin du recrutement au statut, a-t-il répété, en se disant « ouvert aux discussions pour parler des modalités ». « J’ai bon espoir qu’à la fin on s’entende », assure-t-il, malgré l’échec des discussions de vendredi avec les syndicats.

« J’entends la détermination de certaines organisations syndicales, mais qu’ils entendent bien la mienne aussi », a-t-il ajouté. Quant à la reprise de la dette de la SNCF par l’Etat, il a jugé qu’il fallait au préalable une réorganisation de l’entreprise pour qu’elle ne génère plus « 3 milliards d’euros de dette supplémentaire par an ».

« Une minorité ultra-politisée »

Le premier ministre a par ailleurs mis en doute l’idée d’une « convergence » entre les différents mouvements de protestations.

« J’ai du mal à voir une convergence entre des militants d’extrême gauche qui viennent perturber les amphis et les soignants dans les hôpitaux. J’ai du mal à voir la convergence entre ceux opposés à la réforme ferroviaire et les salariés d’Air France qui demandent des salaires plus élevés ».

« Un certain nombre de gens, par conviction politique et idéologique, essaient de lutter dans la rue contre les résultats qui ont été obtenus dans les urnes. C’est ce qu’a dit quasi explicitement Olivier Besancenot et parfois ce qu’a dit Jean-Luc Mélenchon », a-t-il contre-attaqué. Quant aux blocages dans les universités, « nous sommes extrêmement déterminés à ne pas laisser agir une minorité ultra-politisée et parfois très violente », martèle le premier ministre.

Edouard Philippe raconte aussi avoir déjà évoqué avec Alain Juppé, dont il a été le porte-parole lors de la campagne pour la primaire de la droite en 2016, le mouvement de 1995, « il y a déjà bien longtemps ».

« Mais les deux situations sont assez différentes, sur le plan économique, politique et même sur le fond de la réforme. Tout ce que nous mettons en oeuvre a été annoncé pendant la campagne, et il y a aussi aujourd’hui une unité de la majorité beaucoup plus forte qu’à l’époque ».

« La SNCF a les cartes en mains »

Le premier ministre n’est pas le seul à monter au créneau pour défendre la réforme en ce week-end de mobilisation. La ministre des transports, Elisabeth Borne, donne elle aussi une interview à paraître dans Sud-Ouest dimanche. Elle y affirme que les syndicats « n’ont pas une position uniforme », ajoutant que les cheminots « ne débattent pas du principe » de la concurrence, mais se demandent « comment cela va se passer pour eux ».

Marc Papinutti, directeur de cabinet de la ministre des transports, Elisabeth Borne, Ministre des transports, et Benjamin Maurice, conseiller social de la ministre des transports. / Romain BEURRIER/REA

« Notre responsabilité commune, gouvernement et syndicats, n’est pas de philosopher sur le principe, mais de discuter des garanties concrètes que l’on donnera aux cheminots », poursuit-elle, rejetant l’accusation d’immobilisme dans les tables ronde, lancée par les syndicats. Elle dit notamment avoir « fait des propositions pour une ouverture progressive à la concurrence », en rappelant que les régions « qui veulent renouveler les contrats en cours pourront le faire jusqu’en 2023 pour une durée maximale de dix ans ». Pour elle, « la SNCF a les cartes en mains » : si la qualité de service est là, des régions « voudront renouveler leur contrat avec elle ».

Sur les garanties au cheminots qui partiraient chez la concurrence en cas de perte d’un marché par la SNCF, Mme Borne souligne qu’ils « emporteront notamment avec eux la garantie de l’emploi, la retraite, la rémunération... Ce n’est pas rien ! » Mais sur l’arrêt de recrutement au statut, sujet « très sensible pour les syndicats », elle réaffirme qu’il s’agit pour le gouvernement « d’un principe d’équité ». « Personne ne comprendrait que dans un monde ouvert à la concurrence la SNCF soit la seule à recruter au statut ». Pour elle la convention collective qui est en cours de discussion doit « apporter des garanties à tous les salariés ».