Tout le monde a dû forcer un peu la voix pour se donner de l’entrain. « So, so, so-cia-listes !  », tentent les militants pour accompagner, dimanche 8 avril, l’entrée de leur nouveau premier secrétaire, Olivier Faure, jusqu’à la tribune des docks d’Aubervilliers où il vient d’être investi.

Au premier rang, pour ce congrès du Parti socialiste (PS), celui qui a fait du « rassemblement » son slogan de campagne a réuni ce qu’il reste de la famille socialiste. Les trois candidats défaits, Luc Carvounas, Emmanuel Maurel et Stéphane Le Foll, sont longuement applaudis.

Les deux anciens premiers ministres Bernard Cazeneuve et Jean-Marc Ayrault sont présents ainsi que l’ancienne ministre Najat Vallaud Belkacem, un temps pressentie pour être candidate, très applaudie, comme si elle manquait aux militants.

Feuille de route

M. Faure, qui a également fait de la « renaissance » son thème de campagne a longuement détaillé sa feuille de route pour transformer le parti de la rue de Solférino, comme il s’y était engagé.

« Nous serons les seuls à donner la parole aux citoyens de ce pays », a confirmé celui qui va lancer une plateforme en ligne pour consulter les militants et les Français et faire émerger des idées nouvelles.

« Je serai intraitable avec les pratiques frauduleuses, avec le sexisme et avec les discriminations », a-t-il assuré.

Son premier chantier sera de trouver un nouveau siège alors que l’hôtel particulier de la rue de Solférino a été vendu. « Il sera à notre image, fonctionnel et pas ostentatoire ». 

Rupture

Le nouveau premier secrétaire veut s’inscrire en rupture avec ses prédécesseurs. Fustigeant les anciens courants « hollandais, aubrystes, fabiusiens, rocardiens », l’élu de Seine-et-Marne a promis qu’il n’y aurait plus de “ismes” dans ce parti qu’il entend rassembler.

« Ces courants sont notre histoire, mais, admettons-le, ils sont devenus un peu notre boulet », a déclaré le nouveau premier secrétaire qui fait du rassemblement « une obligation et non pas une option ». « Je n’ignore rien de nos différences mais elles ne doivent pas nous faire oublier nos ressemblances », a-t-il répété, comme il l’a fait durant les trois mois de campagne.

Pressé par ses anciens adversaires Luc Carvounas et Emmanuel Maurel de « clarifier » sa ligne politique, M. Faure qui veut « inventer un nouveau logiciel socialiste » répond : « Si la clarification c’est l’autre mot de la division, alors je n’en suis pas. Si la clarification, c’est le dépassement des clivages, et le refus des postures artificielles, alors je dis banco !  »

Même refus sur la question des alliances à gauche, souhaitées par les deux anciens candidats, M. Faure s’y est de nouveau refusé. « Ce ne sont pas des accords d’appareil qui feront la gauche, mais la construction de projets avec les citoyens », a expliqué celui qui s’est donné pour mission de retrouver une place entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron.

Macron comme premier adversaire

Au cours d’un long discours d’une heure et demie, M. Faure a fait lever la salle en faisant applaudir « les cheminots, les salariés, les agents, ceux qui se battent pour nos services publics ». « Rendons-leur hommage, levons-nous », a lancé le nouveau patron du PS sous des applaudissements nourris.

M. Faure, qui s’était rendu à la manifestation du 22 mars malgré un accueil difficile, a redit son opposition à la politique d’Emmanuel Macron, faisant du président de la République son principal adversaire. « Que le gouvernement prenne garde, on a toujours tort ne pas écouter la jeunesse », a-t-il prévenu, en référence au mouvement étudiant dans les universités.

Lors d’une anaphore comme son « père » en politique, François Hollande, en avait le secret, M. Faure s’en est pris longuement au « en même temps » cher à Emmanuel Macron : « On ne peut pas expliquer qu’Angela Merkel a été l’honneur de l’Europe sur la question migratoire et en même temps restreindre cette semaine l’accès au droit d’asile. On ne peut pas dénoncer les difficultés vécues dans les Ephad et en même temps donner la part du lion aux plus riches ! », a lancé le premier secrétaire, très applaudi.

Et de teindre son discours à gauche : « Il faut investir dans l’accueil des réfugiés. Ce que l’Europe a fait il y a dix ans pour sauver les banques, elle doit pouvoir le faire pour sauver des vies ».

Il a également mis en garde contre les tentations de « concentration des pouvoirs » d’Emmanuel Macron. Sans pronocner le mot de référendum, il appelle le président de la République à passer par cette consultation pour sa réforme constitutionnelle : « je le dis à Emmanuel Macron, ayez le courage de le faire devant le peuple et avec le peuple. »

« Un militant avant tout »

Après le départ d’une partie du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) et de nombreux militants vers Génération·s, le nouveau patron du parti s’est montré ferme sur la question de la double appartenance : « A partir d’Aubervilliers chacun est fixé, personne n’est contraint de rester. Le PS est le parti des socialistes. Le Mouvement des jeunes socialistes est le mouvement des jeunes socialistes », a-t-il insisté.

Le nouveau responsable de parti n’a pas ménagé son ancien colocataire, Benoît Hamon, qu’il range dans le camp de ses adversaires politiques : « Je crois en la collégialité, quand tant d’autres ne jurent que par la verticalité : Mélenchon, Hamon, Macron, Le Pen croient en leur destin individuel, moi je crois en notre destin collectif », a lancé celui qui se voit comme « avant tout un militant ».

Ce sera pourtant l’un de ses défis au cours des prochains mois, réussir à incarner le PS, qui a disparu de la scène médiatique, et se faire connaître du grand public. Il y a quelques semaines encore, après le débat de la campagne, un passant l’avait presque reconnu dans la rue : « Je vous connais vous, vous êtes journaliste à BFMTV ». Il y a encore un peu de travail…