Tony Yoka a mis KO Cyril Léonet le 7 avril, au Palais des Sports de Paris. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

C’est à se demander si Tony Yoka n’a pas regretté la fin prématurée de son duel face à « Aldo le Gitan ». Cinquième reprise au dôme du Palais des Sports, samedi 7 avril. Le Limougeaud tente de placer quelques enchaînements après un début de combat passé à frotter les cordes quand une droite le foudroie. Surpris par un coup dont la puissance a étonné les deux camps, le boxeur de 34 ans ne se relève pas.

L’arbitre peut égrener la dizaine de secondes fatales et le présentateur inviter l’assistance à rentrer prudemment à la maison. Tombé de rideau. En coulisses, Yoka n’a que quelques minutes pour souffler avant d’affronter une grappe de journalistes et avec eux le rappel d’un agenda bien moins prévisible que le valeureux Aldo.

Rencontré la veille de la rencontre, Cyril Léonet n’était pas dupe de son rôle de faire-valoir dans une conquête orchestrée par Canal+ pour emmener son rival jusqu’au titre mondial. A la sortie du ring, il confie son amertume de ne « pas avoir fait le boulot » :

« On est chez les poids lourds, 110 kilos, quand ça tombe… Il attendait que je vienne le chercher. On a fait le chat et de la souris, on s’est testé un peu. Ça a tourné en sa faveur. Bravo pour lui. Ceux qui doutaient que c’était un champion, je peux vous assurer que ça en est un. »

Menace d’une suspension ferme

À chacune de ses sorties, et celle-ci ne devrait pas déroger à la règle, Tony Yoka se voit reprocher le choix d’adversaires au profil de  « sparring », moqués sur les réseaux sociaux où ils sont vulgairement caricaturés en « videurs du bar du coin ». Détenteur de la ceinture française de la catégorie reine jusqu’en novembre 2017, Aldo était érigé en véritable test pour son cadet de neuf ans.

Mais malgré une fracture au pouce gauche, dont la rumeur s’était répandue jusqu’au camp d’en face, le protégé du coach américain Virgil Hunter a pris le dessus dès le premier round et fait montre d’application et de patience, jusqu’à l’implacable coup :

« Je m’attends même pas à ce qu’il tombe [sur le KO]. […] Il a pris pas mal de coups, il les a encaissés, souvent avec le sourire. On savait que c’était un boxeur besogneux, dur au mal. Il fallait pas que je me précipite, mais que j’essaie de poser ma boxe pour m’imposer de round en round. »

Tenter de « poser [sa] boxe » ne fut qu’une préoccupation parmi la demi-douzaine ayant rythmé le mois de mars du pugiliste de 25 ans. Mise au jour d’une affaire d’extorsion sur fond de chantage à l’adultère, blessure à la main, entraîneur absent après un choc allergique et, surtout, l’annonce de sa suspension, en décembre, d’un an avec sursis pour avoir manqué trois contrôles antidopage : Tony Yoka n’avait visiblement pas anticipé depuis sa « bulle » californienne l’écho de ses premiers écueils professionnels en France.

« Je ne savais pas à quel point un rien pouvait déclencher pas mal de choses, s’étonne le Parisien après sa victoire. Au final, ça me sert et ça m’a servi. Je me professionnalise de jour en jour. » S’il se targue d’être « resté focus sur le sport » et d’avoir « répondu sur le ring comme un champion », celui qui compte désormais quatre victoires chez les pros peut difficilement dessiner son programme des prochains mois.

« C’est pas la fin de ma carrière »

Le vainqueur des Jeux de Rio 2016 se sait sous la menace d’une suspension ferme (entre un et deux ans ferme), seule sanction prévue par les règlements en cas de « no-show ». L’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), qui s’est saisie de son cas le 19 février, doit recueillir ses explications. Tenant à « honorer » la convocation de l’autorité indépendante, le boxeur plaide la « négligence » et le relâchement au cours d’un lendemain d’olympiade « vraiment festif ».

Difficile d’envisager la suite à court terme de sa carrière, à peine débutée, avant la décision de l’AFLD : « Je ne vais pas me morfondre dans mon coin. Je ne peux rien y faire, je peux juste attendre et préparer au mieux. » Victorieux de ce qui pourrait donc être sa première et dernière sortie de l’année, Yoka s’est empressé de mettre au défi l’actuel champion de France des lourds, Raphaël Tronché, le… 23 juin. Un combat pour la ceinture tricolore avant une « très grosse surprise », non dévoilée mais déjà planifiée en 2018.

Insouciance ou tentative désespérée de faire fi d’une sanction dont il aurait déjà intégré l’inéluctabilité ? Car en même temps qu’il annonce ses rendez-vous avec ses futurs adversaires, le fer de lance de la boxe sauce Canal+ anticipe déjà les conséquences d’une suspension ferme. Sans conditionnel. « C’est pas la fin de ma carrière. J’ai dit que je me voyais boxer jusqu’à 35 ans. Klitschko a arrêté à 41 ans. J’ai encore au moins dix belles années devant moi. C’est un passage à vide qu’il faudra surmonter. »

« Pour l’instant c’est du sursis, tentait d’évacuer Jérôme Abiteboul, son promoteur, la veille du combat contre Aldo. On va être pragmatique. On verra ce que l’avenir nous réserve. » Sauf qu’espérer que la coqueluche des rings français n’écope pas d’une sanction ferme tient plus de l’optimisme que du pragmatisme.