Le campus de Marseille de la Kedge Business School. / CLEMENT MAHOUDEAU / Clément Mahoudeau / IP3

En cette après-midi ensoleillée de la mi-février, sur le campus marseillais de Kedge Business School, quelques dizaines d’étudiants travaillent ou discutent au sein du « hub », un espace de travail collaboratif, doté de tablettes en libre-service, d’écrans tactiles, de grandes tables et de fauteuils confor­tables, l’un des lieux les plus fréquentés de l’école de commerce. La permanence d’Alexandra Montaleytang, responsable du Wellness Center (littéralement « centre de bien-être ») est stratégiquement située derrière le hub. « On est à deux pas d’un passage obligé pour les étudiants, tout en étant un peu en retrait. Ils peuvent ainsi pousser la porte sans que les autres s’en aperçoivent », ­explique la jeune femme.

Le Wellness est un dispositif qui vise à « améliorer le bien-être psychologique, physique et social des étudiants », résume-t-elle. Imaginé en 2011 au sein de l’école EuroMed Marseille avant la ­fusion avec l’école de management de Bordeaux dont résulte Kedge, il est aujourd’hui actif sur les campus de Marseille, Bordeaux et Toulon.

C’est après le suicide d’un étudiant à l’étranger, en 2011, que l’établissement a souhaité se doter d’un outil pour épauler les jeunes qui rencontrent des difficultés, et plus largement contribuer au bien-être des élèves. Stress, déprime passagère ou durable, difficultés d’intégration, doutes en matière d’orientation, souci financier, problèmes de santé… les raisons qui poussent les étudiants à solliciter l’aide de l’équipe du Wellness sont variées.

« Une prise en charge globale »

Sur chacun des campus, elle est constituée d’un psychologue et de bénévoles – une quinzaine, répartis entre Marseille, Bordeaux et Toulon, tous collaborateurs de l’école. Objectif : agir le plus efficacement possible, qu’il s’agisse d’écouter ou de conseiller, de retrouver au plus vite un logement pour un étudiant qui n’a plus de toit, ou de plaider l’obtention d’une bourse maison en cas de difficultés ­imprévues pour s’acquitter des frais de ­scolarité (environ 12 000 euros par an). Pour cela, les membres de l’équipe sont en ­relation constante avec les différents services de l’école.

« Quelles que soient la nature et l’ampleur des difficultés, nous avons souhaité créer un véritable service à l’étudiant qui offre une prise en charge globale. Nous ne sommes ni un service de santé ni une infirmerie », précise Vanessa Doiret, responsable du service vie étudiante de l’école. Chaque année, environ 350 personnes (sur 11 000 étudiants) prennent contact avec l’équipe, pour une demande ponctuelle ou un suivi de plus long terme.

C’est le cas de Julia – le prénom a été changé à la demande de l’étudiante –, 24 ans, diplômée en 2016 : « Pendant mon année de césure aux Pays-Bas, j’ai traversé des difficultés familiales et ­financières. J’en ai fait part à l’adminis­tration qui m’a immédiatement mise en relation avec le Wellness. » La jeune femme a été orientée vers le service bourse de l’école et a pu bénéficier des aides nécessaires pour boucler son ­année.

« Certains recherchent une oreille attentive et bienveillante lorsqu’ils se sentent sous pression. » Philippe Givry, bénévole « Wellness » sur le campus de Marseille

En parallèle, elle a dialogué régulièrement avec la psychologue du dispositif, via Skype. « Je me sentais fragile, et mes échanges avec cette professionnelle m’ont permis de comprendre pourquoi. Ils ont abouti à une consultation à ­l’hôpital de Marseille à l’issue de laquelle j’ai été diagnostiquée “haut potentiel” », raconte celle qui vit et travaille désormais à Amsterdam. Une fois ce diagnostic posé, Julia a entamé un travail sur ­elle-même pour mieux « apprivoiser [son] hypersensibilité ».

Décès des parents, perte du logement, dépression… Les situations gérées par le dispositif peuvent être lourdes, et, lorsque cela est nécessaire, les étudiants sont pris en charge à l’extérieur, par un médecin ou un psychiatre par exemple. Mais pour nombre d’entre eux, il s’agit de trouver une écoute et un suivi à des ­moments charnières. « Certains recherchent une oreille attentive et bienveillante lorsqu’ils se sentent sous pression, par exemple quand ils doivent choisir un stage ou affiner leur spécialisation », raconte Philippe Givry, bénévole depuis un an au sein de la structure et professeur de ­finances sur le campus marseillais.

« A la bonne distance »

« Ces bénévoles sont à la bonne distance car ils offrent un regard extérieur tout en connaissant les rouages de l’école. La qualité du dialogue noué avec eux, je ne l’aurais pas trouvée auprès d’amis de mon âge ou de ma famille », estime une étudiante du campus bordelais qui rencontrait des difficultés scolaires. Des échanges réguliers avec ces conseil­lers, avec qui elle est toujours en contact, lui ont suffi, et elle n’a pas ressenti le besoin de solliciter la psychologue du service.

« Mes entretiens avec la psychologue du Wellness m’ont permis de mieux me connaître, de comprendre mes faiblesses et de m’améliorer. » Futur diplômé du Kedge

D’autres voient aussi dans le dispositif l’occasion de parfaire leur formation de futur manageur. « Mes entretiens avec la psychologue du Wellness m’ont permis de mieux me connaître, de comprendre mes faiblesses et de m’améliorer, c’est essentiel lorsqu’on est amené à travailler réguliè­rement en équipe », estime un futur diplô­mé, très investi dans la vie associative de l’école. Pour lui, « ce genre de service devrait devenir la norme dans l’entreprise ».

Tout au long de l’année, l’équipe organise également des activités ouvertes à tous, comme des ateliers de prévention sur le VIH et les infections sexuellement transmissibles, les addictions, ou encore sur la gestion du stress, l’équilibre alimentaire… Tous les ans, au cours d’une ­« semaine du bien-être », des stages de yoga et de méditation, des formations aux gestes de premiers secours sont proposés. Face à l’engouement rencontré, des cours hebdomadaires de yoga et de méditation ont été lancés à Marseille.

Pour la responsable du service vie étudiante, Vanessa Doiret, « ce maillage que nous faisons tout au long de l’année a porté ses fruits : les étudiants osent désormais venir nous voir rapidement lorsqu’ils en ressentent le besoin, ce qui fait qu’on a moins de situations d’urgence à traiter ».