C’est un débat parlementaire qui risque de virer au bras de fer : lundi 9 avril doit débuter à partir de 16 heures l’examen des 8 articles du « projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire » à l’Assemblée nationale, au quatrième jour d’une grève toujours très suivie par les personnels indispensables pour faire rouler les trains – ils sont 43 % de grévistes lundi.

L’intersyndicale CGT-UNSA-SUD-CFDT, mécontente du résultat des dernières réunions au ministère des transports, réclame une « autre réforme ferroviaire », notamment sur l’organisation de la production, la concurrence et les « droits sociaux des cheminots ». Des députés, principalement issus des rangs communistes et de La France insoumise (LFI), vont se faire le relais de certaines de ces revendications. Plus de 300 amendements ont déjà été déposés.

Fin du statut de cheminot, transformation en société anonyme… le contenu du projet de loi

  • Disparition du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés

Ce qu’on désigne par le « statut de cheminot » est une série de prérogatives désignée sous l’appellation « statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ». Elle prévoit notamment l’absence de licenciement pour raisons économiques (ce qui signifie une garantie d’emploi « à vie », sauf en cas de faute grave) ou encore une hausse de rémunération automatique et un déroulé de carrière garanti à condition de se former.

La réforme prévoit de « modifier le cadre de la négociation sociale d’entreprise, ainsi que les conditions de recrutement et de gestion des emplois des salariés du groupe public ferroviaire », autrement dit la disparition du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés.

En 2016, 25 % des effectifs de la SNCF avaient été embauchés au « cadre permanent », c’est-à-dire au statut, tandis que près de 11 % étaient des « contractuels », soit des salariés sous contrat privé. C’est le cas, entre autres, de tous les cheminots entrés à la SNCF après 30 ans, âge limite pour être embauché au statut.

  • Transformation de la SNCF en société anonyme par actions

La SNCF est actuellement constituée de trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) : l’EPIC de tête, le groupe SNCF, et ses deux EPIC filles, SNCF Mobilités (qui fait rouler les trains) et SNCF Réseau (qui s’occupe des voies).

Tous trois vont être transformés « en une seule société nationale à capitaux publics, détenue à 100 % par l’Etat et dont les titres seront incessibles. Cette société détiendra intégralement deux filiales, sociétés nationales : SNCF Mobilités et SNCF Réseau ». Le schéma prévu est donc celui d’une société holding : la SNCF, dont l’actionnaire sera l’Etat, laquelle holding sera actionnaire de SNCF Mobilités et de SNCF Réseau.

  • Calendrier de l’ouverture à la concurrence

Validée sous le précédent quinquennat, l’ouverture à la concurrence est en fait une transposition dans la loi française d’une directive européenne de décembre 2016, qui précise les conditions de la mise en place de cette libéralisation des « services nationaux de transport de voyageurs » dans l’Union européenne (après l’ouverture à la concurrence des services de fret en 2007 et celle des transports internationaux de voyageurs en 2010).

L’exposé des motifs de la loi rappelle que cette transposition doit être effectuée avant « la date du 25 décembre 2018 fixée par la directive (UE) 2016/2370 », afin d’« assurer l’ouverture à la concurrence des services ferroviaires […] dès la fin de l’année 2020 ».

Plus de 300 amendements déjà déposés

Les huit articles du projet de loi, déjà passés en commission, ont suscité de nombreux dépôts d’amendement.

Communistes et « insoumis » (LFI) ont déposé une série d’amendements contre la transformation juridique de la SNCF et pour le maintien du statut pour les nouveaux embauchés. « La libéralisation des services de transports repose sur les prétendues vertus d’un lien théorique entre ouverture à la concurrence, baisse des prix et amélioration du service, expliquent des députés LFI dans l’un de ces amendements. [Or] cette logique [d’ouverture à la concurrence aboutira] inéluctablement à un abandon des lignes jugées non rentables par les opérateurs privés. Sans parler d’une dérégulation des prix »

Des députés communistes posent aussi la question de la dette de la SNCF, grande absente du projet de loi :

« Le gouvernement considère que la transformation de la SNCF en SA [société anonyme] à capitaux publics permettrait d’éviter un endettement insoutenable en lui imposant des limites plus strictes, identiques aux grandes entreprises de droit commun. […] [Mais] le passage en SA, même contrôlée par l’Etat, dégraderait en outre la notation financière de la SNCF, renchérissant ses charges financières (environ 1,5 milliard d’euros versés aux banques annuellement) et l’exposant davantage au risque d’une remontée durable des taux – surtout SNCF Réseau et ses 46,6 milliards de dette. »

Les socialistes, eux, ne s’opposent pas à l’ouverture à la concurrence, qui avait été validée sous le quinquennat précédent. Ils défendront cependant des amendements contre la modification du statut des cheminots et de l’entreprise.

La droite, elle, est en position inconfortable, soutenant le fond de la réforme, mais déplorant qu’elle ne touche pas les retraites des cheminots ou ne garantisse pas « la survie des petites lignes ». Le groupe LR, partagé, devrait in fine décider de voter pour ou s’abstenir.

L’adoption définitive du projet de loi est souhaitée avant l’été par le gouvernement.

Grèves : pourquoi entend-on autant parler de l’année 1995 ?
Durée : 03:34

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