C’est le premier vrai coup de canif dans leur alliance, nouée il y a treize mois. François Bayrou, qui s’était associé à Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle sur la promesse d’une réforme institutionnelle ambitieuse, se sent aujourd’hui trahi. Le président du MoDem a dénoncé, dimanche 8 avril sur BFM-TV, un « escamotage » de la réforme, à la suite des arbitrages de l’exécutif prévoyant une réduction de 30 % du nombre de parlementaires, la limitation du cumul des mandats dans le temps et l’introduction d’une dose de 15 % de proportionnelle.

Pour M. Bayrou, les propositions du gouvernement ne vont pas assez loin sur ces deux derniers points. En particulier sur la proportionnelle. Plaidant pour une dose de 25 %, afin de garantir l’élection d’au moins cent députés avec ce mode de scrutin, il juge la mesure « dérisoire ». D’après ses calculs, sur les « 60 sièges » qui seront répartis à la proportionnelle, « les grosses écuries » en auront « 30-40 » et il n’en restera que « 20 à se partager entre les partis minoritaires ».

Quant à la limitation à trois mandats consécutifs, l’ex-ministre de la justice regrette le manque de portée de l’interdiction, qui ne concernera pas les maires des communes de moins de 9 000 habitants. Autrement dit, 95 % des élus y échapperont… Un « tour de prestidigitation, de passe-passe », selon lui, qui aboutit à un reniement de la parole présidentielle. « Pour moi, il y a là un manquement absolu à la promesse faite », a-t-il dénoncé, accusant M. Macron d’avoir « sacrifié une partie importante de la réforme » uniquement pour séduire la droite sénatoriale. M. Bayrou et ses troupes misent désormais sur l’examen du texte au Parlement pour l’amender.

« Besoin d’une vraie cohésion »

Le camouflet enregistré par le MoDem pose la question de sa place au sein de la majorité. Avec 47 députés et deux membres au gouvernement, le parti centriste ne s’est jamais aussi bien porté. Mais il peine à exister face à l’hégémonie exercée par La République en marche à l’Assemblée, où les 311 élus macronistes disposent à eux seuls de la majorité absolue.

La preuve : depuis le début de la législature, aucun rapporteur issu de ses rangs n’a été désigné pour porter un texte de poids. Et si certains de ses amendements ont été votés, la formation de M. Bayrou n’est encore parvenue à faire adopter aucune proposition de loi sur un sujet marquant.

« Nous ne sommes pas mal traités dans la représentation mais il faut que nous soyons plus intégrés dans l’action, observe le député MoDem, Patrick Mignola. D’autant que nous allons avoir besoin d’une vraie cohésion de la majorité sur des réformes sensibles, comme celles de la SNCF ou asile-immigration. »

« Nous pourrions être associés un peu mieux aux lois emblématiques », abonde son collègue Jean-Noël Barrot. Avis aux macronistes.