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Le 9 avril 2017, David Dao, un passager d’United Airlines, se voit arraché de son siège, hurlant et traîné par terre par des policiers tel un délinquant pris en flagrant délit. C’est ainsi que la compagnie aérienne libérait dans un de ses avions surbookés quatre places pour des membres d’équipage. Le médecin chinois de 69 ans en ressort le visage en sang. La scène d’une violence inouïe, filmée par un passager, fait le tour des réseaux sociaux, avant d’être reprise par toutes les grandes chaînes de télé.

Depuis, chaque incident est filmé et balancé sur Facebook, Instagram, Twitter, etc., contraignant les dirigeants à venir s’excuser. Les compagnies aériennes sont maintenant sous surveillance. Et elles ne sont pas les seules. « Désormais toutes les crises se diffusent d’abord par les réseaux sociaux », résume Véronique Reille Soult, présidente de Dentsu Consulting. Car toute personne présente et armée d’un smartphone peut se transformer en activiste.

Il n’y a plus d’incident grave qui se produise dans une foule, plus de réflexion décalée émise au sein d’une assemblée, qui ne finissent par être portés à la connaissance de leurs parties prenantes, salariés, clients, fournisseurs, concurrents, actionnaires, citoyens, politiques, etc. « Un client mécontent doit désormais être traité dans les deux heures, sinon il peut détruire la réputation de l’entreprise à travers les réseaux sociaux », dit Olivier Midière, ambassadeur du numérique du Medef. Ils ont clairement contribué à une forte amélioration de la réactivité du service client»

« Facebook avale toutes les données sur les entreprises, des sociétés de conseil les croisent et vendent les informations stratégiques sur les entreprises à leurs concurrents »

Il suffit qu’une personne mentionne son employeur sur son profil pour qu’elle se voie interpellée par ses « amis » si son patron est publiquement montré du doigt. « Les entreprises mises en cause ne peuvent plus donner des explications hasardeuses à leurs salariés, elles sont obligées de les traiter en adulte, et de faire appel à leur intelligence, explique Véronique Reille Soult. Cela devient compliqué de mentir ou de seulement maquiller la réalité sans être pris en flagrant délit. » Pour Olivier Midière, « on ne peut plus adopter une communication ciblée par public visé, entre les salariés, clients ou fournisseurs, car tous ont accès à tous les messages diffusés par l’entreprise ».

Pour leur recrutement aussi, les réseaux sociaux ont singulièrement changé la donne, remarque Olivier Midière, « en élargissant les viviers de recrutement, ce qui leur a permis de diversifier leurs profils. Et de mieux connaître leurs recrues ». « Ces réseaux sociaux les obligent à écouter ce qui se dit dans l’entreprise pour régler rapidement les problèmes éventuels », précise Véronique Reille Soult. Car, désormais, tout se sait : il suffit de plusieurs commentaires sur Glassdoor (site qui permet aux employés, actuels ou anciens, d’évaluer leur environnement de travail) pointant promotions et augmentations de salaires au compte-gouttes, ou seulement une « mauvaise ambiance », pour que les entreprises commencent à avoir du mal à recruter les meilleurs.

Miroir du comportement

Quant à la protection des informations sensibles, elle est plus difficile à assurer quand tout circule entre les différentes parties prenantes. « Facebook avale toutes les données sur les entreprises, des sociétés de conseil les croisent et vendent les informations stratégiques sur les entreprises à leurs concurrents », ajoute Olivier Midière. Les réseaux sociaux créent ainsi de nouveaux risques pour l’entreprise. Mais ils sont aussi de puissants instruments d’observation. Carrefour les utilise comme un miroir du comportement de ses clients pour étudier les tendances de consommation, et développer des offres qui répondent aux exigences de traçabilité et de sécurité alimentaire.

Quant à la Société générale (SG), elle traque tout ce qui se dit sur l’entreprise dans le monde entier 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. « Ça a révolutionné notre capacité à percevoir les signaux faibles et à gérer les crises avec les clients comme avec les collaborateurs », dit Caroline Guillaumin, directrice de la communication et des ressources humaines chez SG.

Ensuite, c’est pour enrichir leur image et créer de l’empathie en générant des communautés affinitaires. SG a ainsi développé sur Twitter des groupes autour du rugby (@Paramourdurugby, 22.000 followers), de la musique classique (@Mecenatmusical) et de l’art contemporain (@collection_SG). Mais aussi pour ses clients entrepreneurs (@SGEntrepreneurs) ou ses clients de la banque de détail en France (@SG_etvous), pour lesquels elle s’engage à répondre en trente minutes.

Enfin, les réseaux sociaux servent aussi de plus en plus à améliorer l’efficacité collective. Que ce soit sur Telegram, pour des projets sensibles, ou plus facilement encore sur WhatsApp, le partage d’information est devenu moins sélectif et s’organise désormais par projet. « Avec les groupes WhatsApp, les gens se parlent plus souvent et plus simplement. Ils ont changé nos rapports à l’autre », conclut Véronique Reille Soult. En clair, avec la maturité, ces réseaux sociaux sont devenus de véritables couteaux suisses, dont plus personne, ni même les entreprises, ne peut se passer.

Ce supplément a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le think tank Culture numérique.