Son ami, Samir Lebcher, longtemps kiosquier près du métro Barbès, a fini par mettre les pieds dans le plat en décembre 2017. Le marchand de journaux qui a pris l’habitude de discuter des histoires du quartier avec Gaspard Gantzer l’a apostrophé : « Au fait, Paris, ça t’intéresse ? J’ai vu son petit sourire en coin », raconte ce pilier du 18e arrondissement.

Depuis mai 2017, l’ex-médiatique conseiller en communication de François Hollande à l’Elysée le laisse entendre. M. Gantzer a choisi de renoncer à être investi par La République en marche (LRM) pour les législatives en Ille-et-Vilaine. A chaque micro tendu, il n’a cessé de donner la même explication : « Macron voulait que je sois député à Rennes mais cela ne me convenait pas. Je suis né et j’ai toujours vécu à Paris. C’est là que je dois être », confiait-il une nouvelle fois, le 23 mars, à l’antenne de Sud Radio.

Mais celui qui a fait ses classes à l’Hôtel de Ville de Paris auprès de Bertrand Delanoë, conseiller chargé de la presse puis porte-parole de 2010 à 2013, a décidé de dévoiler un peu plus son ambition parisienne dans la nouvelle postface de son livre La politique est un sport de combat (Fayard). Paru à l’automne 2017, ce journal de bord de ses trois ans à l’Elysée, ressort en librairie en mai avec un épilogue rajouté.

« Les Parisiens veulent reprendre les clés de leurs destins. Si je m’engage ce sera avec eux (…) Ce sera pour eux », écrit M. Gantzer.

Pourtant, ses proches ne se montrent guère surpris à l’idée qu’il puisse avoir envie de « s’investir dans le combat politique » dans la capitale. « A chaque fois que je le titille au sujet de Paris, il rigole. Mais je vois bien qu’il a clairement envie d’être au service des Parisiens », assure Manuel Flam, ami de M. Gantzer depuis leurs années d’études à Sciences Po. « Il y a chez Gaspard la même passion, la même envie, la même fibre parisienne que celle que j’ai vu chez Delanoë », insiste cet ex-conseiller ministériel, bon connaisseur des arcanes de l’Hôtel de Ville.

Pas un mot pour Anne Hidalgo

Ces derniers temps, les abonnés au compte Twitter de M. Gantzer ont remarqué la fréquence et la tonalité critique de ses messages au sujet des embarras de la vie parisienne. Qu’il s’agisse des nids-de-poule sur la chaussée ou de « l’urgence », écrit-il, d’améliorer la propreté, M. Gantzer donne l’impression de roder ce qui pourrait ressembler à un début de campagne municipale « 2.0 ».

« Je me suis toujours passionné pour Paris, se justifie-t-il. J’ai de l’attachement pour la ville et pour ceux qui y vivent et y travaillent. C’est pourquoi, quand les choses vont moins bien, je le vis mal. »

Dans la postface de son livre, il tire son chapeau à M. Delanoë qui a « rendu son honneur à Paris » mais n’a pas un mot, en revanche, pour Mme Hidalgo. « Les Parisiens ont des aspirations simples qui ont trait à la propreté, aux transports, au logement, à la sécurité, explique-t-il au Monde. Ils ont aussi besoin d’un nouveau récit politique. La lutte contre la pollution est un objectif que nous partageons tous. Mais cela ne suffit pas à les faire rêver. » S’il a entrepris de s’investir à Paris, il prend soin toutefois de ne pas s’inviter trop vite au bal des prétendants au scrutin municipal de 2020. « Je ne sais pas quand je m’engagerai. Il n’y a pas urgence », écrit-il.

Chroniqueur sur France Culture, invité régulier sur le plateau de RTL, M. Gantzer cultive sa notoriété médiatique et s’emploie à asseoir sa nouvelle image d’entrepreneur parisien. L’agence de stratégie en communication qu’il a cofondée avec deux associés, et installé au cœur de Paris, n’a aucun client politique. Mais il l’a baptisée « 2017 », année de l’élection de M. Macron…

« Liens de camaraderie évidents »

Ancien condisciple de M. Macron à l’ENA (promotion « Senghor »), M. Gantzer a gardé des « liens de camaraderie évidents » avec le chef de l’Etat, assure une source qui les connaît bien tous les deux. Le président ne lui a pas proposé une circonscription législative à Paris en 2017. Décidera-t-il de l’adouber pour la bataille de Paris en 2020, alors que le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, lorgne également une investiture ?

« Gaspard peut se présenter sans être investi par LRM, fait valoir un de ses amis. Les Parisiens voteront pour celui ou celle dont le projet sera le plus en résonance avec la Ville. L’investiture par un parti n’est plus un sésame en politique. » Interrogé, M. Gantzer prend la précaution de rappeler que « la plus mauvaise façon de réfléchir à l’avenir de Paris serait de le faire à travers les enjeux de personnes ou les appareils politiques ».

Pour les municipales de 2020, « les Parisiens cherchent une solution, dit-il. Elle n’existe pas aujourd’hui. Dès qu’elle apparaîtra, ils s’y intéresseront. C’est ce qui s’est passé lors de l’élection présidentielle de 2017 ». Quel profil aura le futur maire de Paris ? « Ce sera quelqu’un qui n’était pas élu jusqu’à présent, ni dans la capitale ni ailleurs, et qu’on n’attend pas », pense-t-il. Le portrait-robot semble taillé sur mesure. Sans nul doute un hasard.