D’année en année, le baromètre des près de 3 000 plaintes reçues par l’une des principales organisations de locataires, la Confédération générale du logement (CGL), confirme la conflictualité du secteur locatif, qui concentre, à lui seul, 82 % des litiges. En tête, avec 16 %, arrive l’éternel sujet de la non-restitution par le bailleur du dépôt de garantie, selon les données 2016 publiées lundi 9 avril. Cette somme, d’un mois de loyer, versée par le locataire à l’entrée dans les lieux, garantit son propriétaire contre les éventuelles dégradations de l’appartement, voire les impayés de loyers ou de charges.

Ce versement doit, en principe, être restitué dans le mois suivant le départ du locataire si l’état des lieux le permet : « Mais il y a un nombre significatif de bailleurs, particuliers ou agents immobiliers, qui retiennent ce dépôt de garantie sans raison, constate Michel Fréchet, le président de la CGL, sinon, les désaccords portent sur les travaux que le propriétaire veut, à tort ou à raison, imputer au locataire sortant. » En conséquence, un nombre grandissant de locataires se dispense, comme pour prévenir le mal, de payer le dernier mois de loyer, ce qui n’est pas plus légal.

Blocage du dépôt de garantie

Ce constat recoupe les statistiques des commissions départementales des rapports locatifs, compétentes pour régler ce type de litige à l’amiable avant d’en venir au juge, et qui placent toutes ce motif en tête de leurs saisines. En Gironde, par exemple, 224 des 340 dossiers traités en 2016 (soit 66 %) portaient sur ce point ; 496 sur 1 112 (soit 45 %) à Paris.

Devant les tribunaux, ce contentieux totalise 8 066 procès, soit une proportion de 0,47 % de l’ensemble des baux signés, en France, chaque année (1,7 million dont 1,2 dans le parc privé), un chiffre faible qui s’explique par le découragement de nombreux locataires, occupés à déménager et à s’installer ailleurs, parfois loin.

Pour pacifier le sujet, les associations comme la CGL demandent que les dépôts de garantie du parc locatif privé soient centralisés chez un organisme tiers comme la Caisse des dépôts, ôtant aux propriétaires toute tentation de les conserver sans en justifier. Si c’était le cas, la Caisse des dépôts collecterait 4 milliards d’euros qui pourraient, en outre, être utiles à la politique du logement, et 1,7 milliard d’euros de plus si le parc social était lui aussi concerné – ce que ces associations ne réclament pas.

L’ex-ministre du logement de François Hollande Emmanuelle Cosse avait demandé que soit menée une réflexion sur ce transfert. Elle a donné lieu à un rapport remis peu avant son départ, en février 2017, et les experts constataient que, dans sept pays européens – Allemagne, Autriche, Belgique, Grande-Bretagne, Suisse, Luxembourg et Islande –, le dépôt de garantie est bloqué sur un compte bancaire d’une banque de réseau.

Opposition des bailleurs et gérants

En Grande-Bretagne, quatre à dix semaines de loyer sont versées à trois opérateurs spécialisés dans le « tenancy deposit », qui totalisent 3,8 milliards d’euros et produisent des intérêts au profit des seuls locataires.

La Suisse et l’Allemagne, pays de locataires puisqu’elles en comptent, respectivement, 69 % et 55 % (contre 40 % en France) ont choisi, elles, le compte à part dans une banque ordinaire, comme la Belgique et le Luxembourg. A la fin du bail, l’argent est débloqué à la demande conjointe du propriétaire et du locataire qui, en cas de litige, se retrouvent devant une commission spécialisée ou un juge, selon les pays. Avec ce système, si le bailleur reste inerte et ne saisit pas dans les temps l’instance compétente, les sommes reviennent au locataire qui les avait consignées.

En France, les représentants des bailleurs et des gérants sont, évidemment, opposés à ces solutions et le projet de loi logement du gouvernement, bientôt examiné par le Parlement, n’a jusqu’ici rien prévu de tel.