Pour attirer les meilleurs chercheurs, la Kedge Business School, fruit du regroupement des écoles de commerce de Bordeaux et de Marseille (BEM et Euromed Management), débourse 12 millions d’euros chaque année. / BORIS HORVAT / AFP

C’est une course à la grandeur qui a profondément modifié le paysage de l’enseignement supérieur. Ces dernières années, plusieurs écoles de commerce, en quête de la taille critique, ont fusionné et se sont ouvertes à l’international. Une stratégie pensée notamment pour développer leur département recherche et obtenir les précieuses accréditations internationales, tout en montant dans les classements.

« La recherche a été l’un des piliers de la fusion. Il s’agissait de donner plus de moyens, plus de visibilité et des axes clairs en matière de différenciation scientifique », explique Alice Guilhon, directrice générale de Skema Business School, née en 2009 de l’alliance entre l’ESC Lille et le Centre d’enseignement et de recherche appliqués au management (Ceram) de Sophia Antipolis.

Des budgets en hausse

Le temps où la recherche était le domaine réservé de l’université est-il révolu ? « Les écoles de commerce sont passées d’un modèle managérial à un modèle académique. Par le passé, les professeurs recrutés devaient avoir eu une expérience professionnelle. Aujourd’hui, c’est le profil chercheur qui est privilégié », décrypte Alain Vas, vice-recteur de l’Université catholique de Louvain, qui a mené avec Christophe Lejeune (également à l’UCL) une étude sur le sujet.

Toujours dans cette optique, les écoles ont augmenté le budget qu’elles consacrent à ce secteur. Depuis la fusion, Skema a doublé ses investissements, qui atteignent aujourd’hui 10 millions d’euros. A Neoma Business School, issue de la fusion des écoles de Reims et de Rouen, le budget a grimpé de 15 % ces cinq dernières années.

Un mercato des chercheurs

Même tendance à Kedge Business School : fruit du rapprochement entre BEM (école de commerce de Bordeaux) et Euromed Management, le groupe débourse aujourd’hui 12 millions d’euros, une enveloppe en hausse de 5 % à 10 % chaque année depuis trois ans.
Des moyens conséquents pour attirer les meilleurs chercheurs, dont la rémunération annuelle dépasse 100 000 euros. « Il existe un véritable “mercato”. Si les universités veulent survivre, elles doivent compenser leurs moindres moyens financiers en proposant un environnement de travail plus collaboratif et en construisant des projets de recherche interdisciplinaires », analyse Alain Vas.

Les écoles mettent le prix, mais pour quel retour sur investissement ? En juillet 2017, une étude de la Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises alertait sur le risque que cette stratégie se fasse au détriment de l’enseignement. Face à ce constat, les établissements répondent que les chercheurs ont tous un volume minimum de cours qui varie de 90 à 120 heures par an en moyenne.

« Nous voulons garder un corps professoral qui continue d’enseigner avec un très haut niveau d’innovation pédagogique. Nous allons recruter à la rentrée 18 personnes, dont la moitié pour des postes spécialisés dans la pédagogie, avec davantage d’heures de cours », assure José Milano, directeur général de Kedge.

« J’ai toujours milité pour une recherche transférable aux étudiants, affirme de son côté Delphine Manceau, directrice générale de Neoma. Notre mission, c’est aussi de les faire réfléchir sur les limites des pratiques des entreprises. Et cela passe par la recherche. »

Découvrez notre dossier spécial sur le « match » entre universités et grandes écoles

Le Monde publie, dans son édition datée du jeudi 29 mars, un supplément dédié à la rivalité entre universités et grandes écoles. Historiquement concurrents, les deux types d’établissements d’enseignement supérieur tendent à se rapprocher pour exister à l’international. Du duel au mariage de raison...

Les différents articles du supplément seront progressivement mis en ligne sur Le Monde.fr Campus, dans les rubriques Grandes écoles, Etudes sup, Universités, Ecoles d’ingénieurs