Le siège nord-américain de Bayer Healthcare, à Whippany (New Jersey), en 2015. / JULIO CORTEZ/AP

Le dispositif contraceptif définitif Essure, distribué par le laboratoire allemand Bayer HealthCare et soupçonné de provoquer de graves effets secondaires, est désormais sous haute surveillance aux Etats-Unis, unique pays où il est encore commercialisé. Lundi 9 avril, les autorités sanitaires américaines ont enjoint à la multinationale de mieux informer les femmes des risques liés à l’utilisation du produit, sous peine de poursuites judiciaires : une décision sans précédent.

La Food and Drug Aministration (FDA), organisme qui délivre – entre autres – les autorisations de commercialisation des médicaments, a décidé qu’à ce jour, seules les patientes ayant lu et signé la brochure détaillant les risques liés à Essure pourront recevoir les implants. Ce document très technique de 22 pages devra être visé conjointement par le médecin qui réalisera l’acte.

« La FDA fera respecter ces obligations et prendra les mesures appropriées en cas de manquement, y compris les sanctions pénales et civiles applicables », a précisé l’agence dans un communiqué sans pour autant demander le retrait du produit. « Malgré des efforts pour alerter les femmes sur les complications potentielles d’Essure, nous savons que certaines patientes ne reçoivent toujours pas ces informations importantes. C’est tout simplement inacceptable, a déclaré le docteur Scott Gottlieb, patron de la FDA dans le même texte. Chaque femme recevant ce dispositif devrait comprendre pleinement les risques qui y sont associés. »

Sur le marché depuis 2002, Essure est un dispositif de stérilisation implantable par les voies naturelles, unique en son genre. Composé de ressorts en fibres de polyéthylène, nickel, titane et acier inoxydable, il provoque une cicatrisation qui obstrue les trompes de Fallope. Alternative aux techniques chirurgicales telles que la ligature des trompes, ces implants ont été accueillis comme une formidable innovation et prescrits en première intention aux femmes demandeuses d’une contraception définitive et irréversible.

Bayer évoque « un dispositif sûr et efficace »

Selon Bayer HealthCare, le dispositif a été vendu à un million d’exemplaires dans le monde. Mais les signalements d’effets secondaires neurologiques, musculaires, hémorragiques et allergiques, liés à sa pose comme à sa composition, se sont multipliés ces dernières années. Des migrations des implants et des perforations d’organes ont conduit à des retraits qui imposent l’ablation des trompes, voire de l’utérus. Devant la recrudescence de signalements d’effets indésirables, Essure avait notamment été placé sous surveillance renforcée par les autorités sanitaires françaises en 2015.

En février 2016, la FDA avait ordonné à Bayer d’effectuer une étude sur le produit. Dés novembre 2016, l’agence avait également imposé la mise en garde la plus stricte sur l’emballage du dispositif. Selon la FDA, les ventes d’Essure ont chuté de 70 pourcent depuis l’annonce de ces premières restrictions. En septembre 2017, Bayer a cessé de commercialiser Essure partout dans le monde à l’exception des Etats-Unis, son marché le plus florissant, en précisant que sa décision était due à une baisse des ventes et non à une question de sécurité.

« Les patientes méritent l’information la plus précise et la plus complète afin de prendre les décisions liées à leur santé, et Bayer forme – et continue de former – les professionnels de santé à l’importance de conseiller de manière appropriée chaque patiente sur les bénéfices et les risques que présentent Essure, a plaidé le laboratoire dans un communiqué. La FDA a pu constater à de nombreuses reprises qu’Essure est un dispositif sûr et efficace qui met à la disposition des femmes un moyen de contraception de grande valeur. »

La FDA a reçu 12 000 signalements d’effets indésirables pour l’année 2017 dont 90 % liés à des interventions visant à ôter le dispositif. L’agence précise cependant que la plupart des doléances émanent d’avocats conseillant des patientes ayant entamé un recours en justice contre Bayer. Aux Etats-Unis, le laboratoire est visé par une action de groupe réunissant environ 16 000 femmes en raison de troubles supposément liés à l’utilisation d’Essure.

En France, l’association Resist (Réseau d’entraide, de soutien et d’informations sur la stérilisation tubaire), créée en 2016 et forte de 2 330 membres, a également assigné Bayer, le 8 mars, devant le TGI de Paris pour « faute de vigilance » et « commercialisation d’un produit défectueux » dans le cadre d’une action de groupe.