Pour découvrir la Cité blanche, Douglas Preston a passé neuf jours dans la jungle épaisse de la Mosquitia, au Honduras, accessible uniquement par hélicoptère. / THOMAS CHÉNÉ POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »

Douglas Preston aime aller loin. Et, si possible, là où personne ne s’est jamais rendu. A l’origine, à la fin des années 1970, le journaliste et romancier américain était un sédentaire, il préférait retracer les expéditions des autres. Responsable du catalogue des expositions au Musée américain d’histoire naturelle à New York, il avait entrepris de rédiger une histoire des explorateurs et de leurs expéditions à l’origine des collections réunies par son institution.

Dinosaurs in the attic. An Excursion into the American Museum of Natural History, écrit dans les années 1980, publié en 1993, reste le livre de référence pour qui veut se lancer dans une carrière à la Indiana Jones. Rien n’avait pourtant préparé le journaliste à lever l’un des derniers mystères de notre temps, soit la découverte en 2015 de la Cité blanche, ou Cité du dieu singe, qu’évoquait Hernán Cortés, le conquistador espagnol qui s’était emparé de l’Empire aztèque pour le compte de Charles Quint, et que personne à ce jour n’avait réussi à trouver. La quête de cette cité, située dans la jungle de la Mosquitia, dans le nord-est du Honduras, constitue le sujet de son nouveau livre, La Cité perdue du dieu singe, qui vient de paraître en France.

Comme une malédiction

A l’origine, Douglas Preston pensait que la réalité de cette ville bâtie par une civilisation précolombienne restait une illusion, le mirage de plusieurs générations d’explorateurs qui s’étaient fracassées sur ce Graal de l’archéologie. « Un explorateur était devenu fou. Un autre s’était suicidé. Un troisième, Théodore Morde, prétendait en avoir ramené plusieurs artefacts, mais il s’agissait d’une ruse pour toucher des subventions en Grande-Bretagne. Il ne s’est jamais véritablement approché de la cité et cherchait de l’or. Le plus étonnant est qu’il en avait trouvé, raconte le journaliste en visite à Paris. Puis la seconde guerre mondiale est arrivée, l’or de Théodore Morde ne lui servait plus à rien et il s’est suicidé. Je me disais donc qu’il y avait un livre à écrire sur cette quête impossible. Puis une nouvelle technologie, élaborée par la NASA, en 2012, nous a permis de conclure que la cité existait bel et bien. »

Douglas Preston pensait avoir été confronté à tous les impondérables durant sa carrière. Au Cambodge par exemple, où il était parti en 1995, pour le compte de National Geographic, à la découverte d’un temple situé en pleine jungle, où se réfugiaient les anciens rois d’Angkor, et encore géré par les khmers rouges. « Nous avions effectué le voyage avec quinze militaires cambodgiens, membres des forces spéciales, armés de fusil automatiques, de lance-roquettes et de grenades. Ils avaient encore plus peur que nous. »

« Personne n’y avait mis les pieds depuis cinq siècles. Le peuple, inconnu, qui a construit cette ville a disparu dans les années 1500, victime des maladies issues de l’ancien monde : oreillons, grippe, varicelle. » Douglas Preston

Le journaliste avait également eu accès à l’une des tombes, jamais ouvertes, de l’un des 52 fils de Ramsès II dans la Vallée des Rois en Egypte, qui donnera lieu à l’un de ses reportages les plus célèbres, publié dans The New Yorker en 1996. Mais rien ne s’approche des dangers auxquels il s’est exposé dans la jungle de la Mosquitia. « J’y ai passé neuf jours, neuf très longs jours. Je suis arrivé avec une équipe d’archéologues, des botanistes, des soldats des forces spéciales honduriennes. La Cité blanche se situe dans la jungle la plus épaisse au monde, à flanc de montagne, inaccessible en bateau. Le seul moyen de s’y rendre est en hélicoptère. Personne n’y avait mis les pieds depuis cinq siècles. Le peuple, inconnu, qui a construit cette ville a disparu dans les années 1500, victime des maladies issues de l’ancien monde : oreillons, grippe, varicelle, raconte-t-il aujourd’hui. Les animaux, jaguars et pumas, n’ayant jamais côtoyé un humain, n’ont pas cherché à nous attaquer. En revanche, les serpents, parmi les plus venimeux de la planète, restent une menace permanente. Enfin, il y a un parasite, baptisé Leishmania, particulièrement dangereux. Il mange votre peau, s’attaque à vos lèvres et à votre nez, jusqu’à ce que vous ayez un trou dans le visage. Ensuite, vous mourez. »

Le président du Honduras avait songé à transformer ce territoire, désormais exploré, en écozone, accessible aux touristes, avant de renoncer à la suite de l’avis des médecins. Après ce reportage, Douglas Preston, lui, est retourné au Nouveau-Mexique, d’où il s’est péniblement extirpé de temps à autre pour de longs séjours à Washington afin de se faire soigner, avec succès, pour la leishmaniose contractée au Honduras. A un médicament près, la jungle de la Mosquitia allait devenir le lieu de son ultime expédition.

« La Cité perdue du dieu singe », de Douglas Preston, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Magali Mangin, Albin Michel, 384 p., 24 €.