Un enfant est traité après une probable attaque chimique à Douma, à l’est de la Ghouta, près de Damas, le 7 avril. / HANDOUT / REUTERS

Que pourront encore trouver les enquêteurs de l’Organisation internationale sur les armes chimiques (OIAC), s’ils entrent à Douma ? La course contre la montre est lancée, pour faire la lumière sur l’attaque chimique du samedi 7 avril contre l’ultime bastion rebelle de la Ghouta orientale, imputée par les Occidentaux au régime syrien. « Les traces peuvent être effacées et chaque jour qui passe nous éloigne d’une compréhension précise de ce qui s’est passé », explique Olivier Lepick, spécialiste des armes chimiques et chercheur associé à la Fondation pour la recherche scientifique.

De multiples points d’interrogation subsistent sur les circonstances exactes mais, sur la base de vidéos et de témoignages, le fil des événements peut être en partie retracé. Vendredi 6 avril, vingt-quatre heures avant l’attaque, Douma était soumise par les forces du régime à un nouveau déluge de feu qui succédait à des jours d’accalmie. Les troupes loyalistes entendaient faire plier les combattants du groupe rebelle Jaych Al-Islam qui refusait de quitter la ville. Le lendemain, c’est au milieu de salves d’obus que des agents chimiques auraient été utilisés par le régime.

De premiers témoins affirment qu’une odeur de chlore, un agent chimique déjà utilisé par le régime dans la Ghouta depuis le début de l’année selon des médecins et des activistes de l’opposition, s’est répandue dans le centre de Douma. Des centaines de blessés, souffrant notamment de troubles respiratoires, ont afflué vers des centres de soins, tandis que les corps de victimes – hommes, femmes, enfants – étaient découverts dans un immeuble d’habitation par des secouristes des casques blancs (le service civil de secouristes mis en place dans les régions sous contrôle de la rébellion) et des militants de l’opposition. Plusieurs dizaines de personnes ont péri dans l’attaque. Si les casques blancs avancent le chiffre de 43 morts, l’examen des sources permet de confirmer la présence de 34 cadavres sur le site de l’attaque.

Se basant sur l’examen de vidéos filmées par des militants anti-Assad, le collectif de journalistes d’investigation Bellingcat a conclu que les victimes retrouvées au rez-de-chaussée et à l’étage du bâtiment ont été tuées par une munition constituée « d’un cylindre de gaz rempli par ce qui est très probablement du gaz de chlore » lancé par un hélicoptère. Si cette hypothèse était avérée, il s’agirait de l’utilisation la plus meurtrière de ce gaz généralement non létal et dont l’usage à répétition par le régime dans les zones tenues par la rébellion a été attesté par de multiples enquêtes de l’OIAC et de l’ONU.

Prompte enquête

Plusieurs instances onusiennes ont appelé à une enquête indépendante, seul moyen de déterminer les circonstances de l’attaque. L’Organisation mondiale de la santé a fait part de sa préoccupation, mercredi 11 avril, et a réclamé que ses équipes aient accès à Douma. Si l’autorité sanitaire de l’ONU « ne peut pas confirmer l’utilisation d’agents toxiques », comme l’indique un porte-parole joint par Le Monde, l’OMS s’alarme des informations transmises par ses « partenaires sur place ».

D’après ces derniers, près de 500 personnes soignées ont présenté « des signes et symptômes faisant penser à une utilisation d’agents chimiques », tels qu’une « forte irritation des muqueuses, des problèmes respiratoires et des perturbations du système nerveux central des personnes exposées ». Peu après l’attaque de samedi, des sources médicales locales avaient alerté sur l’utilisation d’un agent neurotoxique bien plus puissant que le gaz de chlore, comme du gaz sarin.

A ce stade, seule une équipe russe s’est rendue lundi à Douma pour inspecter l’immeuble frappé par l’attaque chimique. L’enquête a été prompte : Moscou a conclu, mercredi, qu’aucun agent toxique n’avait été utilisé à Douma et a de nouveau accusé les secouristes des casques blancs d’avoir « mis en scène » l’attaque. Damas et Moscou ont nié tout recours aux armes chimiques dans la Ghouta orientale depuis le début de l’offensive du régime.